À la veille de la rentrée parlementaire et malgré une nouvelle manifestation l'interpellant, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, prévient les travailleurs syndiqués opposés à la réforme des régimes de retraite qu'ils ne doivent pas trop espérer: il n'y aura pas de modifications majeures au projet de loi actuel et le gouvernement entend poursuivre sa démarche.

« Le changement est toujours difficile, pour beaucoup de personnes, le changement serait parfait si rien ne changeait. Ça ne peut plus être comme ça. [...] Si la Coalition syndicale pour la libre négociation s'attend à ce qu'on modifie le projet de loi 3, elle sera déçue », a affirmé M. Couillard en marge d'un rassemblement sur l'innovation au Collège Champlain, à Saint-Lambert.

Quelques minutes plus tôt, le premier ministre avait prononcé le discours de clôture de ce deuxième Forum des idées pour le Québec devant une foule de quelques centaines de participants. Souriant et blagueur, il a affirmé sans donner de détails que son gouvernement élaborerait une politique du numérique, une annonce qui lui a valu une ovation.

Mais à quelques mètres de là, devant l'entrée du collège sur la rue Riverside, une deuxième foule presque aussi importante en nombre était aussi présente, bruyante et énergique, mais beaucoup moins sympathique aux propos du chef libéral.

Quelques centaines de manifestants de la coalition syndicale ont sorti trompettes et musique pour interpeller le premier ministre et l'inviter à modifier son projet de loi.

« À deux semaines du dépôt en Chambre du projet de loi sur la réforme des régimes de retraite, nous sommes inquiets que le conflit ne devienne une guerre intergénérationnelle. [...] Il faut que le gouvernement cesse de parler d'ajustements et fasse des amendements à son projet », a dit le porte-parole de la coalition, Marc Ranger.

Un peu plus tôt dans la journée, ce dernier a rencontré le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, pour lui exposer ses inquiétudes. Si la rencontre a été cordiale, ont-ils affirmé, les deux hommes n'en sont visiblement pas sortis en partageant un point de vue commun.

« Il y a eu par le passé de nombreux épisodes de négociation et nous n'avons jamais réglé la question des déficits. L'embellie des marchés existe, tant mieux. L'effort qui doit être consenti n'en sera que moins grand. Mais cette embellie n'assure en rien la pérennité de nos régimes de retraite, et c'est pourquoi il faut aller de l'avant », a affirmé le ministre en point de presse.

« Notre objectif n'est pas d'avoir un affrontement ou de faire la paix au moyen de concessions qui nous mettent en danger pour l'avenir. Nous voulons que nos régimes de retraite aient la pérennité nécessaire pour que les jeunes de demain en aient un aussi », a ajouté le premier ministre Couillard.

De son côté, le Parti québécois croit que l'adoption du projet de loi 3 pourrait créer une multiplication des demandes d'arbitrage et un mauvais climat social au Québec.

« Ce n'est pas que des changements cosmétiques qui satisferont la grande majorité des personnes qui sont venues en commission parlementaire. Il faut y aller de grands changements », a affirmé à La Presse le porte-parole de l'opposition officielle en matière de travail et de régimes de retraite, Alain Therrien.

« Il y a des choses qui sont impossibles à tolérer. Quand on parle de rouvrir des conventions collectives signées de bonne foi entre les intervenants, qu'un tiers parti arrive et dise on va changer la donne sans considérer l'opinion de quiconque, ce sont des ruptures de contrats. En agissant ainsi, la parole et la signature des contrats ne valent plus rien. C'est grave », a-t-il ajouté.

Les principes du projet de loi 3 devraient être votés cette semaine à l'Assemblée nationale et les amendements seront déposés la semaine suivante, a affirmé le ministre Moreau dimanche.