Depuis un mois, la Commission de la construction du Québec (CCQ) limite de façon importante certaines enquêtes sur l'honnêteté des entreprises de construction qui font des affaires avec le secteur public, a appris La Presse.

Des employés s'inquiètent d'ailleurs de voir la Commission baisser la garde devant les malversations - notamment le travail au noir - qui minent l'industrie. L'organisation s'en défend bien.

Au début du mois de décembre, le service de l'inspection de la CCQ s'est fait ordonner de ne plus réaliser d'enquêtes sur les entreprises qui demandent une «lettre d'état de situation». Ce document constitue un feu vert donné par la Commission afin de leur permettre de récupérer un pourcentage du montant du contrat retenu par les donneurs d'ouvrage publics. Ce système s'applique à tous les chantiers où des sous-traitants sont présents.

Vérification plutôt qu'enquête

Plutôt qu'une «enquête», les employés affectés à cette tâche doivent maintenant se limiter à une «vérification» avant de fournir les fameuses lettres. Selon une source, on passe ainsi d'une vingtaine de critères évalués (avec une grande souplesse pour les enquêteurs) à trois ou quatre critères (sans réelle latitude pour les enquêteurs). La possibilité de creuser les dossiers louches et de débusquer les fraudes est réduite d'autant. La CCQ «ferme volontairement les yeux», a confié cet employé à La Presse. «Avant, de 30 à 40% des lettres étaient non favorables. [...] Maintenant, on les émet presque toutes favorables.»

«On les aide [les entrepreneurs délinquants] à être encore plus croches», a ajouté la source.

En 2012, plus de 100 000 de ces lettres ont été fournies.

La présidente de la CCQ, Diane Lemieux, a confirmé que des changements avaient eu lieu pour encadrer différemment le processus de remise des lettres d'état de situation. En entrevue téléphonique, elle a assuré que son organisation ne baissait pas la garde pour autant.

La transformation du processus (d'une investigation à une vérification) amène plus de prévisibilité pour les entrepreneurs, qui ont le droit de savoir sur quels critères ils seront évalués, a expliqué Mme Lemieux.

Pas d'inquisition

La remise d'une lettre d'état de situation est un geste administratif qui ne devrait pas se transformer en inquisition, a-t-elle plaidé.

L'utilisation de ce processus pour faire des enquêtes, «il faut que ça arrête», a-t-elle affirmé. «Une vérification, c'est une vérification, et une enquête, c'est une enquête. On gère des volumes, on a des mandats d'ordre public. Il faut s'assurer de la transparence de nos processus.»

«C'est par des enquêtes qu'on peut attraper des entrepreneurs malhonnêtes, pas par des procédures administratives», a-t-elle ajouté.

Mais la prévisibilité des critères de vérification ne facilitera-t-elle pas la tâche à ceux qui veulent contourner le système? «S'il y a un employé à la CCQ qui croit que j'ai baissé la garde, il n'a pas bien compris», a-t-elle martelé.

Le changement de méthode sera officialisé dans un nouveau règlement, à être adopté au cours de l'année 2014. Même s'il n'est pas adopté formellement, «l'état d'esprit» a changé au début du mois de décembre, a reconnu Diane Lemieux. «Il n'y a rien qui nous empêche de traiter ces demandes-là de manière administrative [plutôt que par des enquêtes]», a-t-elle indiqué.

«Ça va permettre de mettre plus de rigueur et de transparence dans cette démarche-là.»