Dans la foulée de la controverse suscitée par une double nomination accordée à l'ex-chef du Parti québécois André Boisclair, un comité propose de mieux baliser le recrutement et l'octroi de permanence dans la haute fonction publique québécoise.

Dans son rapport, le groupe mandaté par la première ministre Pauline Marois suggère au gouvernement des modifications législatives pour fixer des critères quant à l'embauche de personnes qui ne sont pas déjà membres de la fonction publique.

Parmi les 12 recommandations de son rapport, rendu public vendredi, le comité estime aussi que la Loi sur la fonction publique devrait être changée afin qu'une période de probation soit imposée avant d'accorder une permanence dans un emploi supérieur.

L'an dernier, pour calmer le tollé soulevé par la nomination de M. Boisclair comme délégué général à New York tout en lui accordant simultanément une permanence, Mme Marois avait mandaté le comité, présidé par André Perrault.

En décembre 2012, M. Boisclair avait accepté de renoncer à son poste d'administrateur d'État, qui lui garantissait un poste dans la haute fonction publique au terme de son contrat à New York. L'ex-ministre péquiste a depuis demandé à être réaffecté à la suite d'une nouvelle controverse relative à sa consommation passée de cocaïne.

Le gouvernement a annoncé mercredi la nomination de la journaliste Dominique Poirier à New York à titre de déléguée générale, qui bénéficie d'un contrat à durée indéterminée sans toutefois accéder à la fonction publique.

Sans étudier spécifiquement le cas de M. Boisclair, le comité a relevé que les données disponibles ne permettent pas d'observer une progression du nombre de nominations de personnes provenant de la filière politique, mais «toutefois, à travers les cas rapportés dans les médias, la perception ancrée dans la population semble être que ces situations ont connu une certaine augmentation».

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, jeudi, M. Perrault a affirmé que le gouvernement aurait intérêt à resserrer la façon dont sont choisies les personnes qui obtiennent un contrat dans la haute fonction publique, qui obtiennent parfois ensuite une permanence sans avoir gravi les échelons par la filière classique.

«Il y a des risques que la titularisation ou les nominations puissent, dans certains cas, être mal perçues et dans certains cas, ça peut s'avérer vrai, dans certains cas ça peut être faux, a-t-il dit. Cela dit, les mécanismes (proposés) visent à assurer une plus grande transparence.»

M. Perrault croit qu'avant d'accorder une permanence, comme celle dont a bénéficié brièvement M. Boisclair, le gouvernement devrait imposer une probation, dont il n'a pas fixé la durée, évoquant deux à quatre ans.

«Dans la mesure du possible, il faut s'assurer que les gens ont démontré leurs compétences, et la compétence, ça prend un certain temps pour la démontrer», a-t-il dit.

Selon le rapport, le conseil des ministres, qui dispose du pouvoir de nomination dans la haute fonction publique et les organismes gouvernementaux, a beaucoup de latitude actuellement. Dans le cas des candidats issus de la filière politique, le processus de sélection se limite généralement à une vérification de sécurité et des diplômes, note le document.

La responsabilité concernant les postes de sous-ministre adjoint a aussi été retirée à la commission sur la fonction publique, dont les règles prévoyaient un concours ou un examen pour accéder à ces postes.

Grâce à une étude annexée à son rapport, le comité a pu observer les façons de faire dans d'autres juridictions, notamment au gouvernement fédéral, a noté M. Perrault, qui relève plus de rigueur.

«Le processus est beaucoup plus rigoureux et de façon générale, les sous-ministres proviennent de la fonction publique», a-t-il dit.

Le comité a observé que le nombre de titulaires d'emplois supérieurs issus de l'extérieur de la fonction publique qui ont obtenu une sécurité d'emploi est demeuré relativement stable, depuis 1993, une période au cours de laquelle libéraux et péquistes se sont échangé le pouvoir.

De 1993 à 2002, 26 des 144 personnes nommées à un poste de sous-ministre provenaient de l'extérieur de la fonction publique, soit 18%. De ce nombre huit, soit 31%, ont obtenu la sécurité d'emploi assortie au titre d'administrateur d'État I.

Durant la même période, pour les postes de sous-ministre adjoint ou associé, le gouvernement a retenu 96 candidatures provenant de l'extérieur sur les 402 personnes nommées à ces fonctions, soit 23,9%. De ce nombre, 32 ont reçu le titre d'administrateur d'État II, accédant à la sécurité d'emploi.

De 2003 à 2012, 18 des 121 personnes nommées sous-ministres ont été recrutées de l'extérieur de la fonction publique, soit 15%. Cinq ont reçu la sécurité d'emploi de la titularisation comme administrateur d'État I, soit 28%.

Pour les postes de sous-ministres adjoint ou associé, sur 402 nominations, 107 venaient de l'extérieur des rangs de la fonction publique, soit 27%. Trente-quatre personnes ont été titularisées, soit 32% du groupe.

Le député caquiste Christian Dubé a reçu avec scepticisme les recommandations du rapport du comité, dont il partage cependant les préoccupations, en soulignant que le gouvernement s'est contenté d'un communiqué.

«La façon dont ça vous a été présenté aujourd'hui, ce n'était pas avec un ministre qui est venu vous expliquer, a-t-il dit. Alors, problème, rapport, tablette. Et c'est malheureux.»