Le Parti québécois (PQ) est dirigé par «des spécialistes en communications» et des «téteux de jobs», affirment des membres de la commission jeunesse du parti de Pauline Marois quand ils conversent entre eux. Les dirigeants du parti censurent ces échanges, dévastateurs pour l'image du parti.

Officiellement, les jeunes péquistes ont appuyé le projet de loi de Bernard Drainville lors du dernier conseil général du PQ à Montréal. Mais derrière cette belle unanimité, décrite par le président du Comité national des jeunes, Frédéric Saint-Jean, les jeunes militants ont, en privé, vertement critiqué les façons de faire au PQ.

La Presse a obtenu les échanges sur Facebook entre plusieurs dirigeants du Comité national des jeunes du PQ, une conversation qui s'est étendue sur deux heures et à laquelle participait le président Frédéric Saint-Jean.

L'échange est survenu le 5 novembre, le jour même où, dans son blogue, le journaliste politique de L'actualité Alec Castonguay a relevé que le Comité des jeunes du PQ n'a pas fait connaître son opinion sur le projet de charte rendu public depuis septembre par le ministre Bernard Drainville.

La Presse a tenté en vain d'obtenir des commentaires des dirigeants du comité, hier, de même que de la plupart des participants, joints sur l'internet. Après leurs échanges sans filtre, les jeunes militants ont tenu pour acquis que cette conversation serait effacée du forum par les permanents du PQ. «Ils vont la censurer comme ils le font toujours quand on touche de quoi de sensible», a écrit Julie Hébert, porte-parole régionale et membre jeune dans Soulanges.

Sur Facebook, d'entrée de jeu, le président Saint-Jean demande à ses collègues de ne pas «spinner», diffuser davantage le texte de L'actualité. «N'ajoutons pas d'huile sur le feu», écrit-il. Kenny Duque, représentant des jeunes dans l'association péquiste d'Hochelaga-Maisonneuve, réplique qu'il serait heureux que cette conversation sur Facebook ne soit pas accessible au public. «Sinon, je sens qu'ils capoteraient sur certaines de nos dissensions internes.» Il rappelle que le comité des jeunes a tardé à prendre position. «Le CNJPQ [Comité national des jeunes du PQ] a dormi au gaz pendant trois mois, alors qu'à peu près tous les Québécois et autres organismes se sont prononcés», écrit-il plus tard. 

«Téteux de jobs»

«On ne parle plus d'indépendance. Certains sont plus préoccupés par se faire réélire et conserver leur job plutôt qu'au projet de pays», écrit encore le représentant jeunesse d'Hochelaga. «Si le PQ était dirigé par des militants passionnés par le Québec plutôt que par des spécialistes en communications, ça irait bien mieux», ajoute-t-il. Le PQ, selon lui, «devrait avoir plus de militants passionnés au lieu de téteux de jobs».

Julie Hébert, représentante jeune dans Vaudreuil-Soulanges, avoue son «malaise» devant le manque de consultation. «Je siège à titre de représentante jeune et de conseillère régionale jeune depuis près d'un an, et on m'a consultée une fois, pour ensuite faire une sortie qui allait à l'encontre des opinions que j'avais, ainsi que plusieurs autres membres, exprimé. Pas fort.»

Gabriel Serena, vice-président aux communications du groupe, est cité. «On est d'accord avec de larges volets de la proposition, mais il y a des aspects qui accrochent.» «Ah oui? Comme quoi? Et c'est voté où, ça?», observe Mathieu Bélanger, du cégep de Sherbrooke.

Charles Picard-Duquette, président de l'Estrie, intervient: «Il n'y a pas eu de sortie contre le parti. On a juste émis des réserves sur le droit de retrait et le crucifix [...] qu'on attendrait le projet de loi avant de se positionner!» Ces réserves se résorberont dans le projet de loi, prédit-il, parce que «c'était aussi les réserves d'une grande majorité de la population!».

«Se dire les vraies affaires!»

Quand Jérémie Dunn, président régional des jeunes péquistes de Montréal-Centre, explique qu'il croit utile de donner la priorité aux résolutions sur l'économie plutôt que de travailler à un projet de loi à venir, il est applaudi par Picard-Duquette: «L'économie d'abord.» «La souveraineté d'abord», réplique Bélanger. 

Au bout de deux heures d'échanges, les protagonistes semblent fatigués. Kenny Duque fait une observation surprenante qui semble faire référence au coup de sonde sur le Net par Bernard Drainville. «Ce n'est pas rassurant de savoir que des gens des communications noyautent les sondages internet.» «Drôle d'esprit démocratique. J'ose croire que personne n'irait trafiquer des consultations du CNJ [Conseil national des jeunes]», conclut-il.