Le ministre responsable de la région de Montréal, Jean-François Lisée, se dit ouvert à une bonification de la charte des valeurs présentée par son collègue Bernard Drainville la semaine dernière.

«Est-ce qu'il est possible de bonifier le projet de loi? Bien sûr. Ça n'existe pas, un projet de loi que l'on soumet à la discussion publique et qui n'est pas amélioré par la discussion publique. On va écouter et on va voir de quelle façon on peut bonifier le projet, dit-il. Mme Marois nous dit constamment : il faut être ferme sur les objectifs, mais souples sur les moyens.»

Il a cependant refusé de s'avancer concrètement sur ce qui pourrait constituer une proposition «plancher» pour son parti. «Le plancher, c'est le mouvement que l'ont fait vers la neutralité de l'État, dit-il. On appelle les gens à soumettre leurs propositions.»

«Racisme dégueulasse»

D'un même souffle, le ministre en appelle à un débat «respectueux» à l'endroit des Québécois qui arborent un signe religieux. Il a d'ailleurs qualifié de «racisme dégueulasse» les diverses manifestations d'agressivité recensées dans les dernières semaines au Québec.

Le dernier incident en lice : une vidéo datant du 28 août - donc avant le dévoilement de la charte des valeurs, mais après que la nouvelle qui en décrivait les grandes lignes soit parue dans le Journal de Montréal - envoyée au site internet Huffington post. On y voit un homme qui invective une femme portant le hijab dans l'autobus 69, sur le boulevard Gouin.

«Les Portugais, les Italiens, les Chinois, ils se sont tous intégrés. Vous autres, c'est zéro intégration. Les femmes d'un bord, les hommes de l'autre», lance l'homme. 

L'auteur de la vidéo, qui a contacté le Huffington post sans que le site internet puisse vérifier l'authenticité de ce témoignage, dit que l'altercation a commencé quand la dame est entrée dans l'autobus.

«Enlève ton foulard ou rentre dans ton pays», lui a dit l'homme. La dame aurait alors répondu : «c'est votre gouvernement qui m'a amenée dans ce pays.»

«Ça n'est pas beau, ça. C'est regrettable et condamnable», a dit le ministre Lisée, confronté à ces images. «Cette discussion doit avoir lieu dans le respect, en particulier à l'endroit de ceux qui portent des signes religieux». Ces manifestations d'agressivité sont du «racisme ordinaire dégueulasse», a-t-il dit. 

Est-ce lié à la charte? «Je ne franchis pas ce pas-là, dit-il. Au Canada, chaque jour, il y a un crime lié à des motifs religieux.»

Rappelons qu'à Québec, une femme portant le hijab a été apostrophée en fin de semaine à la Place Laurier. Une autre musulmane de Québec dit avoir perdu son emploi à cause de son hijab. Et une mosquée a été aspergée de sang de porc à Saguenay.

Soutien en baisse dans les sondages

Pour Jean-François Lisée, ce projet de loi est une autre marche franchie par le Québec sur la voie de la neutralité de l'État. Il a balayé du revers de la main les résultats des sondages, qui montrent que le soutien au gouvernement a diminué sur cette question depuis quelques semaines.

«Ce n'est pas un sondage qui va décider sur sort de ce projet de loi. Si on s'empêchait d'agir à cause des sondages, on ne ferait jamais rien», dit-il. Il s'est cependant dit «sensible à la réalité montréalaise qui s'exprime».

M. Lisée, qui est également titulaire du ministère des Relations internationales, ne s'inquiète pas non plus de l'image que pourrait projeter le Québec à l'étranger. «Il ne faut pas exagérer. Le monde entier trouve normal qu'on ait ce genre de discussions.»