Le train de l'avocate Anne Drost roule sur deux voies à la fois, mais vers une même destination: le ministère des Transports du Québec. Mme Drost représente le ministre Pierre Moreau dans des négociations internationales et compte faire du lobbying auprès de lui pour le compte d'une société minière.

En 2010, Anne Drost a été nommée conseillère de l'émissaire du ministre des Transports pour le développement de trains haute vitesse dans le nord-est des États-Unis. Elle se décrit en fait comme «émissaire du gouvernement» et conseillère stratégique dans son profil officiel sur le site internet du cabinet qui l'emploie, Fasken Martineau. Le contrat et le mandat sont toujours en vigueur, selon le cabinet de M. Moreau.  

Mais Mme Drost s'est officiellement enregistrée comme lobbyiste de la société minière Adriana le 28 février dernier.  

Parmi les personnes «visées» par la lobbyiste se trouvent notamment le ministre des Transports, ses sous-ministres et certains fonctionnaires. Six autres ministres sont aussi visés par le mandat.

L'entreprise l'a notamment chargée «d'obtenir le soutien financier gouvernemental disponible sous forme de subventions, de prêts, de cautions ou autres», indique l'inscription au registre des lobbyistes.

La société minière demande la construction d'un chemin de fer sur le territoire couvert par le Plan Nord, afin d'acheminer jusqu'à Sept-Îles le minerai qu'elle extraira de sa gigantesque mine du lac Otelnuk, implantée en partenariat avec la chinoise Wesco. La mine de fer, décrite par Adriana comme «le plus gros projet minier de l'histoire canadienne», pourrait être exploitée dès 2016. Le projet de chemin de fer est évalué à 2,7 milliards par l'entreprise.  

Le gouvernement a annoncé mardi un projet qui correspond à ces critères. Encore au stade embryonnaire, il s'agit d'un projet commun entre le CN et la Caisse de dépôt et placement du Québec. «La mine ne peut pas se développer s'il n'y a pas de chemin de fer. Donc, on comprend qu'à cet égard-là, on est sur la même longueur d'onde que le gouvernement», a indiqué Marie-Claude Lavigne, porte-parole d'Adriana, elle aussi inscrite au Registre des lobbyistes.

Rencontres

Olivier Parent, du service des communications de M. Moreau, affirme que Mme Drost a déjà rencontré le ministre pour lui faire un rapport sur les négociations pour lesquelles elle agit à titre de représentante du gouvernement, sans pouvoir préciser le nombre de réunions. Mais il se fait clair: «Il n'y a eu aucune pression d'elle sur aucun autre dossier», jure-t-il. Il serait «malhonnête» de faire un lien entre les deux mandats d'Anne Drost, insiste M. Parent.

Anne Drost a refusé de discuter du dossier avec La Presse. «Le travail qu'elle fait en ce moment pour Adriana n'est pas de nature publique», a expliqué l'attaché de presse de Fasken Martineau, Mathieu Rompré.

Louise-Andrée Moisan, directrice des communications du Commissaire au lobbyisme, soutient que le rôle de Mme Drost ne correspond pas à la définition de «titulaire de charge publique» au sens de la loi.  

Trois personnes sont actuellement inscrites comme lobbyistes pour Adriana: deux avocats du cabinet Fasken Martineau, dont Mme Drost, ainsi qu'une spécialiste des relations publiques, Mme Lavigne. Les deux avocats indiquent au registre obtenir «de 10 000$ à 50 000$» en échange de leurs services.