C'est un accord «historique», se sont félicités le premier ministre Jean Charest et le chef du Grand conseil des Cris, Matthew Coon Come. Grâce à l'accord-cadre qu'ils ont signé vendredi, les Cris et les Jamésiens non-autochtones devraient désormais s'asseoir à la même table pour décider du développement du territoire de la Baie-James, d'une vaste superficie de 70 000 km2.

Cet accord-cadre a pris plus d'une année à être négocié. Les deux partis espèrent qu'il débouchera d'ici 12 mois sur une entente finale. «Il reste encore beaucoup de détails à régler», reconnaît le Dr Coon Come. Mais il reste optimiste, tout comme M. Charest qui parle d'une «étape décisive» et d'un «point de non-retour». Le Parti québécois salue aussi l'accord-cadre. «C'est une bonne nouvelle», a lancé son député d'Ungava, Luc Ferland. Il n'avait pas de réserve à émettre sur l'accord.

La gouvernance est présentement fracturée entre les Cris et non-autochtones de la Baie-James. Chaque groupe décide dans une différente instance. Le premier se base sur les droits ancestraux, le second sur les lois du Québec. Cela mène souvent à «l'exclusion» des Cris, qui doivent se battre contre des décisions déjà prises, déplore le Dr Coon Come.

Et cela risquait de mener à d'autres confrontations. Les Cris avaient des munitions juridiques pour contester par exemple la loi sur le développement de la région de la Baie-James ou le nouveau Régime forestier. Ce qui aurait menacé le Plan Nord, si cher au gouvernement Charest. Or, aucune poursuite n'a été intentée. Les Cris -qui contrairement aux Innus appuient le Plan Nord- disent avoir voulu «penser en dehors de la boîte». Au lieu de la confrontation, ils ont choisi de négocier cet accord. Il créerait une nouvelle structure de gouvernance, basée sur le modèle des Conférences régionales des élus. Les Cris et les Jamésiens s'assoiront donc à la même table. Et ils y seront présents en nombre égal. Plusieurs modalités restent à définir. Par exemple, on ignore si les Cris seraient élus ou désignés par leur chef.

Si l'entente finale est adoptée, la gouvernance entre Cris et non-autochtones ne sera pas forcément facile, reconnaît le ministre des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley. «Mais comme tout le monde devra travailler ensemble, on pourra voir les problèmes venir à l'avance et trouver une position commune au lieu qu'il y ait un affrontement».

Cette nouvelle structure gèrera principalement l'aménagement du territoire et certains aspects des ressources naturelles. «Par exemple, si on construit une route pour une nouvelle mine, les Cris diront à l'avance si elle passe sur un territoire ancestral ou de chasse», explique Michel Létourneau, ancien député péquiste d'Ungava et président de NordCom, une firme qui a conseillé le gouvernement. «Ce sera historique. Je ne connais aucun autre territoire aussi vaste au monde qui soit géré de façon paritaire entre autochtones et non-autochtones», estime celui qui a poursuivi un doctorat en géopolitique du développement nordique à la Sorbonne.