Québec veut resserrer le robinet des consommateurs d'eau en brandissant la menace de la tarification.

Le gouvernement met en place une stratégie de réduction de la consommation d'eau potable qui force les municipalités à agir. Sur 20 ans, une économie de deux milliards de dollars est escomptée.

D'ici à 2017, la production moyenne d'eau potable par personne devra être réduite de 20%.

Sinon, des compteurs d'eau seront installés pour les consommateurs non-résidentiels dès 2014 et une tarification «adéquate» sera introduite pour les résidences en 2017.

En conférence de presse lundi à Québec, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, a morigéné les Québécois pour certaines de leurs manies qui dilapident l'eau.

«Entendre couler la douche pendant que tu fais autre chose, ce n'est pas ça la meilleure pratique! a semoncé M. Lessard. Se brosser les dents en laissant couler l'eau, c'est l'fun, mais tu gaspilles de l'eau qui a été traitée, qui a parcouru quelques kilomètres, qui a été entreposée. Prendre de l'eau potable pour arroser ses fleurs, ce n'est pas la bonne pratique.»

Les Québécois sont, «malheureusement», dit le ministre, parmi les plus grands gaspilleurs d'eau au monde et sont ceux qui en consomment le plus au Canada: 795 litres par personne par jour, par rapport à 491 en Ontario.

«Ce n'est pas un record qu'on aime avoir», a laissé savoir M. Lessard.

En même temps, le ministre fait le pari qu'il est possible de changer les mentalités et les pratiques, pour arriver à l'utilisateur-payeur, mais qu'il faut «parfois la contrainte» pour y arriver.

Le gouvernement exigera des municipalités qu'elles rendent des comptes sur la consommation d'eau. Elles devront présenter un état de la situation, un plan d'action et un rapport annuel d'ici au 1er avril 2012.

Québec aidera plus généreusement les municipalités qui font des efforts pour réduire leur consommation, en guise de récompense, mais aidera moins celles qui «traînent la patte», comme l'a précisé M. Lessard.

«On y va en gradation des mesures dissuasives», a-t-il dit.

Si les objectifs ne sont pas atteints, le compteur sera imposé aux industries, commerces et institutions à partir de 2014.

«Le compteur, c'est l'incitatif pour dire: Heille! l'utilisateur-payeur! Aujourd'hui je te dis ton taux d'utilisation, si tu ne le réduis pas, il y a une facture qui s'en vient. T'auras beau me dire que ça va te rendre moins concurrentiel, tu as un changement environnemental à faire dès maintenant.»

Le gouvernement a aussi envisagé d'imposer des compteurs d'eau aux résidences, mais le gros de l'effort doit venir des entreprises et institutions, a indiqué le ministre.

En fait, on estime que les industries, commerces et institutions sont responsables d'un peu plus de 20 pour cent de la consommation de l'eau traitée par les municipalités, les résidences environ 46 pour cent, alors que les fuites dans les réseaux, à elles seules, sont évaluées à 19% -soit l'objectif de réduction de production visé par le gouvernement.

«Le consensus sur la tarification (résidentielle) n'est pas encore là, actuellement, a dit M. Lessard. C'est quelque chose à bâtir, on parle d'une génération.»

«On y a pensé (au compteur d'eau dans les résidences), a déclaré son collègue à l'Environnement, Pierre Arcand, à ses côtés. Ce n'est pas l'élément qui a été considéré comme prioritaire dans les consultations.»

Ils sont restés flous sur la tarification envisagée au résidentiel advenant l'échec de la stratégie en 2017, mais le compteur restera écarté.

Pour diminuer la consommation résidentielle, le gouvernement révisera le Code du bâtiment. Le débit des robinets sera régulé à la baisse, de même que pour les toilettes et les urinoirs. Il donnera aussi l'exemple en adaptant ses propres bâtiments.

Présent à la conférence de presse, le maire de Rivière-du-Loup, Michel Morin, a expliqué que sa municipalité a pris le virage de l'économie d'eau potable il y a quelques années et que «c'est faisable».

La consommation a ainsi diminué de 52 litres par personne par jour, grâce à diverses mesures, ce qui équivaut à une réduction annuelle de 200 000 $ des coûts de traitement de l'eau.

«Il y a des changements de comportement qui ont été notés. Des gens qui essaient de faire pousser l'asphalte (en l'arrosant), il y en a plus beaucoup à Rivière-du-Loup, c'est en voie d'extinction.»