«La population ne veut pas de carnage, la population cherche la vérité.» C'est l'appel à la raison que lance l'ancien premier ministre Bernard Landry autant à l'opposition péquiste qu'au gouvernement libéral, avant la reprise des travaux parlementaires le 21 septembre.

Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne à la veille du caucus de la rentrée du Parti québécois, qui s'ouvre mercredi à Valleyfield, M. Landry a reconnu que la position de l'opposition est délicate, mais qu'elle doit «faire son travail». Cette session est cruciale, de l'avis des analystes, parce qu'elle arrive à mi-mandat.

«Chacun a eu ses leçons, a commenté M. Landry au cours de l'entretien téléphonique. Autant le premier ministre que l'opposition ont reconnu que le ton devait changer. La population souhaite que ce soit le plus rationnel possible, le moins agressif. Cela peut faire aussi mal, en étant rationnel, et même plus.»

Il comprend toutefois que même des parlementaires expérimentés aient pu s'emporter au cours de la session du printemps, caractérisée par des débats acrimonieux. À ses yeux, jamais au Québec une opposition n'a eu devant elle un gouvernement aussi discrédité dans l'opinion publique.

«Il y avait des gens qui aimaient Maurice Duplessis, qui le respectaient. Il n'a jamais été à 80% d'insatisfaction. (...) Il n'y a jamais eu un sondage sur un résultat électoral éventuel aussi catastrophique pour le gouvernement et le premier ministre. Alors (pour l'opposition péquiste), ça fait un contexte particulier qui fait que les expériences antérieures n'ont pas la valeur qu'elles pouvaient avoir autrefois.»

Un spécialiste des communications politiques, Thierry Giasson, de l'Université Laval, juge que le PQ jouit de «conditions très favorables» pour capitaliser sur l'insatisfaction des électeurs et se hisser davantage dans les sondages. Cependant l'opposition devra jouer ses cartes «avec parcimonie».

«Le travail de l'opposition n'est pas un travail de compromission des institutions, a expliqué le professeur dans un entretien récent. Oui, l'attaque, il faut la mener, tant et aussi longtemps qu'elle ne met pas en danger le bien-fondé des institutions, qu'elle ne participe pas au cynisme ambiant à l'égard de la politique. Et ça, c'est un doigté que le Parti québécois devra développer.»

Il devra aussi mettre en évidence sa chef, Pauline Marois, qui selon les sondages est moins populaire que son parti. C'est peut-être parce qu'elle a à définir l'image qu'on se fait d'une femme chef de l'opposition, a évoqué M. Giasson.

«Les gens vont peut-être se faire à l'idée. Il faut travailler. Il faut donner plus d'espace à l'équipe (de députés), mais il faut que Pauline Marois soit le personnage central, et c'est elle qui doit présenter son équipe, qui montre qu'elle peut déléguer une autorité et qu'elle peut la reprendre. Mais c'est vrai qu'elle traîne des casseroles (ses antécédents au gouvernement).»

M. Giasson a fait remarquer qu'à mi-mandat, les partis mettent déjà en branle leur machine pré-électorale, en procédant à des enquêtes d'opinion et en ajustant leur programme. Cependant, les opinions sont déjà cristallisées et la bonne vieille maxime ne tient plus: une période de six mois n'est plus une éternité en politique. Le PQ doit donc montrer qu'il est prêt maintenant à former le gouvernement.

«C'est pas mal joué, a-t-il tranché. Les gens sont de moins en moins innocents ou mal informés à propos de la politique. Ils se font très vite une opinion, et lorsqu'ils s'en font une, elle est très difficile à défaire.»

En effet, sondage après sondage, l'opinion «semble assez ferme» et n'est «pas du tout favorable au gouvernement», a-t-il souligné.

Le politicologue Guy Lachapelle, de l'Université Concordia, a souligné pour sa part que c'est le début de la fin pour un gouvernement, du moment où on attaque son intégrité, comme ce fut le cas lors de la dernière session parlementaire.

«Cela fait longtemps qu'on n'a pas remis en cause l'intégrité d'un gouvernement, a-t-il déclaré dernièrement dans une entrevue téléphonique. On parle de financement des partis politiques. Ça touche le coeur de la démocratie québécoise.»

Le premier ministre Jean Charest «a fait une erreur» en mettant sur pied la commission Bastarache, qui va monopoliser les médias et l'opinion publique.

«Le mal est fait, a-t-il dit. C'était clair que ça allait déraper. Ça va donner des munitions à l'opposition, c'est clair.»

Le Parti québécois devra miser sur sa «force extra-parlementaire», hors de l'Assemblée nationale, qui l'a fait connaître en 1970 et 1973, a-t-il ajouté.

Et la chef péquiste, autant que les autres chefs de parti, doivent «s'élever au-dessus de la mêlée constamment» pour que le débat soit fait sur le fond. Il y a des zones grises dans les lois, sur la nomination des juges ou le financement des partis, et il faut trouver des solutions, a conclu le professeur.