Certaines sociétés d'État «commerciales» pourront encore donner des primes à la performance à leurs dirigeants et à leurs employés en dépit de la politique d'austérité du gouvernement, a indiqué hier le premier ministre Charest, en marge d'une réunion extraordinaire de son Conseil des ministres.

Selon lui, «il fallait un conseil spécial pour avoir le temps de discuter en profondeur du plan budgétaire du 30 mars. C'est une situation exceptionnelle, une crise exceptionnelle, le Québec tire bien son épingle du jeu... On a le pied engagé dans la reprise, mais il y a un passage obligé, le retour à l'équilibre budgétaire», a-t-il souligné.

 

La réunion d'hier, largement médiatisée, avait aussi l'objectif de démontrer à la population que le gouvernement est déterminé à sabrer ses dépenses: «On a pris un contrat avec la population, je vais m'assurer de la mise en oeuvre de notre partie du contrat», a dit M. Charest. Dans plusieurs questions, les journalistes ont relevé que toutes les «annonces» d'hier avaient déjà été faites dans le discours du budget, à la fin du mois de mars.

À propos du remaniement ministériel suivant la session parlementaire, que La Presse a annoncé la semaine dernière, M. Charest est resté bien vague. Il n'exclut pas le brassage des cartes, mais invite à ne pas conjecturer sur ses décisions à venir. «S'il y a des changements, vous le saurez quand je les annoncerai...» a-t-il laissé tomber.

En matinée, le ministre des Finances, Raymond Bachand, a reconnu que le gouvernement avait un grand problème de perception. Il y a deux semaines, plus de 50 000 personnes se sont retrouvées devant le parlement pour exprimer leur dépit devant les gaspillages de la machine gouvernementale et l'augmentation continuelle des coûts pour les contribuables.

Le gouvernement s'est engagé à réaliser 62% des compressions nécessaires pour retourner à l'équilibre budgétaire. Il s'agit d'une ponction de 5,2 milliards en quatre ans.

«La population est sceptique sur le fait que 62% des économies viendront du gouvernement», et la réunion d'hier n'était pas, en dépit des accusations de l'opposition, une opération de marketing, a dit M. Bachand. «Les gens vont le croire quand ils verront les chiffres sur 6 ou 12 mois. D'ici là, je les comprends d'être sceptiques, on ne fait pas de geste spectaculaire... Il n'y a pas 20 000 mises à la retraite d'un coup sec», a soulevé en début de journée le grand argentier du gouvernement Charest.

Pas moins de 18 ministères seront frappés d'un gel des budgets, «à zéro» pendant trois ans. «C'est majeur, mais cela ne fait malheureusement que les dernières lignes des articles», a insisté M. Bachand.

Projet de loi

Mesure symbolique, le gouvernement déposera prochainement à l'Assemblée nationale un projet de loi, découlant du dernier budget, pour proscrire les primes au rendement dans l'ensemble de la fonction publique et dans les réseaux de l'éducation comme de la santé. Les compressions viseront les gestionnaires: «On fera des coupes dans les structures, pas dans les services», a dit M. Charest.

Les sociétés d'État seront aussi touchées, exception faite de celles placées sous l'égide de la Loi sur la gouvernance. «Ce ne sont pas des sociétés d'État comme les autres, M. Bachand aura à discuter avec elles pour voir comment cela sera géré à l'interne.» On trouve dans ce groupe la Caisse de dépôt et placement, mais aussi la Société générale de financement, Investissement Québec, la Financière agricole, la Société des alcools et la Société d'assurance automobile du Québec.

Hier, M. Charest n'a pas pu dire combien de cadres et de gestionnaires de ces sociétés recevront tout de même des primes au rendement, ni chiffrer le total de ces bonus. En revanche, pour ceux qui allaient être privés de prime, on a précisé que le total serait de 9 millions par année. Selon le premier ministre, ces primes sont justifiées dans certains cas, pour les spécialistes en placement de la Caisse de dépôt, par exemple, puisqu'ils ont des compétences recherchées dans le marché financier. Les primes font partie de leur rémunération. «Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Dans certains cas, on doit reconnaître qu'il y a des sociétés d'État qui ont des missions très particulières», a souligné M. Charest.

Les sociétés qui accorderont des primes à leurs cadres devront compenser ces dépenses par des mesures «équivalentes», trouver des économies de même ampleur dans leur gestion.

Santé et éducation

Avec la réunion d'hier, le Conseil des ministres visait aussi à faire le point sur plusieurs mesures découlant du budget. Par exemple, la décision d'étendre la politique de remplacer un départ sur deux aux réseaux de la santé et de l'éducation a été arrêtée. Toutefois, on fera en sorte que ce calcul soit basé sur la masse salariale plutôt que sur des postes précis, de façon à assurer plus de souplesse aux établissements.

Le projet de loi précisera aussi que le gouvernement doit retrancher 25% de ses dépenses de publicité, et sabrer 10% de ses dépenses de fonctionnement jusqu'en 2013-2014. Les réseaux seront aussi touchés. À terme, en 2013-2014, les décisions annoncées hier entraîneront des économies de 500 millions annuellement, a expliqué M. Charest.

Les ministres réunis ont reçu une visite rassurante: leur collègue Claude Béchard, en convalescence, est venu participer à la rencontre quelques minutes. Amaigri, M. Béchard a rassuré ses collègues, a soutenu Jean Charest, soulignant sa hâte de le revoir occuper son siège autour de la table du Conseil des ministres.

Par ailleurs, les nouvelles mesures envisagées par les différents ministres devront s'autofinancer totalement.