Le jury citoyen créé par le Directeur général des élections (DGE) rejette l'idée de permettre aux entreprises de contribuer à la caisse des partis politiques. C'est selon lui un «remède trompeur» pour contrer le financement occulte.

Le DGE, Me Marcel Blanchet, avait demandé à l'Institut du Nouveau Monde de constituer ce jury. Les 12 personnes qui le composaient se sont prononcées hier pour le maintien d'un financement strictement populaire.

«En permettant à des compagnies ou à des regroupements bien organisés de financer les partis politiques, on créerait un déséquilibre, une inégalité des forces en présence, en plus d'entretenir la méfiance des citoyens. Nos concitoyens ne nous le pardonneraient pas», a affirmé la présidente du jury, Bianka Dupaul. Selon elle, les partis risqueraient de devenir dépendants des contributions d'entreprises, qui auraient du coup une influence plus importante encore sur les décisions du gouvernement.

Pierre-F. Côté, DGE de 1978 à 1997, plaide depuis des années pour que l'on permette aux entreprises de contribuer au financement des partis, selon certaines règles. Selon lui, les contributions illégales, faites par exemple en utilisant des prête-noms, sont érigées en système à l'heure actuelle.

Pour le jury citoyen, permettre cela est un «remède trompeur». «Rien ne prouve que ceux qui veulent contourner la loi ne continueraient pas de le faire pour préserver leur anonymat», note-t-il dans son jugement.

De son côté, Marcel Blanchet reconnaît l'existence du financement occulte, mais il doute que ce soit généralisé. Il souligne en outre à quel point il est difficile de prouver qu'un don a été fait illégalement : «Ce n'est pas une partie de pêche. On ne peut pas commencer à vérifier l'ensemble des compagnies pour voir s'il n'y aurait pas quelqu'un qui ferait du financement illégal. Mais à partir de dénonciations et de preuves, bien sûr, on enquête.» Depuis 1981, 92 firmes ont été condamnées pour avoir fait des dons illégaux.

Le jury citoyen refuse également que les partis politiques soient financés à 100 % par l'État. Cette mesure entraînerait selon lui la «déresponsabilisation» des électeurs.

Le jury réclame toutefois des changements au système actuel, comme l'abolition des dons anonymes, la hausse du financement public des partis et l'augmentation des amendes en matière de contributions illégales. Ces propositions se trouvent déjà dans le projet de loi présenté par le ministre Claude Béchard l'automne dernier, qui doit être débattu en commission parlementaire ce mois-ci.

D'autres recommandations n'en font toutefois pas partie, comme le remplacement du crédit d'impôt actuel par un autre qui serait géré par le DGE. Les donateurs seraient tenus de certifier par écrit que la contribution pour laquelle ils réclament un crédit est faite à partir de leurs propres biens, volontairement, sans compensation ni contrepartie, et qu'elle ne fera l'objet d'aucun remboursement. En 2007, un groupe de réflexion réunissant le DGE et des représentants du PLQ, du PQ et de l'ADQ avait recommandé ce nouveau «crédit de reconnaissance à la démocratie».

Pour le jury, «le problème fondamental» du système politique québécois est «l'augmentation du cynisme» et «la désaffection des citoyens». Les politiciens, qui ont recours de plus en plus au «dénigrement stérile» et à la «publicité négative», ont une part de responsabilité dans ce phénomène. Le jury propose la création d'un organisme indépendant pour promouvoir «la participation civique et la démocratie». C'est la seule recommandation à laquelle le DGE est réfractaire. Marcel Blanchet juge que son organisation peut très bien jouer ce rôle.

Les recommandations du jury seront prises en considération lorsque le projet de loi 78 sera étudié, a indiqué l'attaché de presse du ministre Béchard, Pascal D'Astous.