Québec a commis plusieurs erreurs dans la gestion de la crise de la listériose survenue l'été dernier, révèle la protectrice du citoyen, Raymonde Saint-Germain. Mais il a eu raison d'ordonner la destruction de milliers de kilos de fromage dans 300 commerces.

La gestion d'une crise comme celle de la listériose «ne peut pas être faite de manière absolument parfaite, mais on a posé essentiellement les bons gestes pour protéger la santé des gens», a réagi le premier ministre Jean Charest hier, à la suite du dépôt à l'Assemblée nationale du rapport d'enquête de la protectrice du citoyen.

La destruction des fromages «a été une décision difficile à prendre, mais elle a apporté son résultat: moins de monde malade, moins d'effets négatifs sur les entreprises», a dit de son côté le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Laurent Lessard. Il refuse toutefois de dédommager des fromagers lésés comme le lui recommande Raymonde Saint-Germain.

Dans son rapport, la protectrice du citoyen relève plusieurs lacunes dans la gestion de la crise: méthodes d'enquête inadéquates, inspecteurs mal formés, suivi inapproprié des usines, système de prévention insuffisant, mauvaise stratégie de communication, gestion déficiente des risques et des impacts économiques.

«C'est clair qu'il y a un redressement à opérer, a lancé Raymonde Saint-Germain en conférence de presse. C'est commencé, et il faut le finaliser pour que la prochaine crise, s'il y a lieu, soit bien gérée dès le début.»

Mais, selon elle, l'élimination des fromages visés par un rappel et des produits avec lesquels ceux-ci avaient été probablement en contact était «justifiée en raison de l'augmentation rapide du nombre de personnes contaminées à la listériose. Il n'y avait d'autre choix que de procéder à ce rappel pour limiter l'éclosion».

Toutefois, «plusieurs lacunes ont été décelées dans le processus décisionnel». Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ) a écarté ses propres règles en matière d'analyse et de gestion de risques, ce qui est «préoccupant pour la gestion de futures situations d'urgence», lit-on dans le rapport. La mise en oeuvre de l'opération du MAPAQ a aussi connu des ratés car, en l'absence de directives écrites, certains inspecteurs n'ont pas éliminé tous les fromages dans les comptoirs.

Les premières enquêtes du MAPAQ étaient «incomplètes», ce qui a conduit à des rappels «prématurés». Les inspecteurs ne prélevaient que des échantillons de fromages déjà coupés chez les détaillants au lieu de fromages provenant de meules intactes, ce qui rend difficile l'identification de la source de contamination. Le MAPAQ n'a pas suivi son propre guide d'intervention, déjà déficient selon la protectrice du citoyen.

Raymonde Saint-Germain recommande une compensation financière pour deux entreprises - la Société coopérative agricole de l'Île-aux-Grues et la Fromagerie Blackburn du Saguenay - dont les produits ont été rappelés par Québec sur la base de «données incomplètes». Certains de leurs produits ont été reliés à tort à l'éclosion de la listériose.

Laurent Lessard refuse de dédommager. «Ce n'est pas le MAPAQ qui a mis la listériose dans le produit, a-t-il lancé. La première responsabilité, elle appartient premièrement à l'industrie, et ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer. Je ne connais pas un pays, une province dans le monde qui verse une compensation lors d'un rappel», a-t-il affirmé. En termes à peine voilés, le ministre a invité les deux fromagers à poursuivre les détaillants.

Avant le début de la crise, les usines de transformation de fromage au lait cru n'étaient pas inspectées régulièrement. Ainsi, 30% des usines n'avaient pas reçu la visite des inspecteurs du MAPAQ depuis 12 mois, dont les deux fromagers à l'origine de la contamination.

Les inspecteurs du Ministère qui faisaient le tour des usines de fabrication de fromage au Québec n'étaient pas bien formés. Depuis, le MAPAQ a donné une formation spéciale à 20 inspecteurs. Chaque usine est visitée tous les mois.

Le programme de 8 millions de dollars sur trois ans annoncé en septembre pour aider l'industrie fera l'objet d'une évaluation indépendante afin de s'assurer qu'il réponde aux besoins, comme le propose Mme Saint-Germain.