André Riedl, le député d'Iberville, a toujours été un politicien étonnant. Fraîchement élu, le critique de son parti sur les questions internationales, s'était, avec fierté, assis devant la ministre Monique Gagnon-Tremblay à sa première étude des crédits au printemps 2007.

Puis, avec tout le sérieux des néophytes, il avait commencé à décortiquer les programmes du... Développement économique! Peut-être les très jeunes recherchistes lui avaient-ils refilé la mauvaise chemise... Ce qui est sûr, c'est qu'il ne s'en était pas rendu compte.

 

La semaine dernière, avec son collègue de Champlain, Pierre Michel Auger, André Riedl, comme les autres députés adéquistes, s'était rendu à Montréal pour sa photo de candidat de Mario Dumont. Cette semaine, c'était au tour des candidats dans les circonscriptions que pense ravir l'ADQ aux prochaines élections. La séance n'a pas été longue.

Rebondissements

La politique est pleine de ces rebondissements. Mercredi, Jean Charest avait l'air du dindon de la farce, celui qui avait tenté d'imposer son candidat à la présidence et qui, en bout de course, devait avaler le choix des partis de l'opposition, François Gendron. Hier, c'était le retour du pendule: il triomphait aux côtés des deux transfuges arrachés à l'ADQ, MM. Riedl et Auger, deux simples députés soit, mais un coup très dur pour Mario Dumont à la toute veille de son conseil général, à Drummondville.

Hier, la sortie de Riedl surtout a fait mouche: «L'ADQ est le parti d'un seul homme.» Tous ceux qui ont suivi de près l'ADQ savent que Mario Dumont est plutôt autocrate, souvent sauvé par un bon instinct, mais pour qui la collégialité est une tracasserie inutile. Dumont et ses députés auront beau dépeindre les deux transfuges comme des politiciens vénaux, prêts à se «vendre au plus offrant», l'amertume était nette hier. Avec deux élus de moins, l'ADQ se retrouve à seulement trois sièges du Parti québécois. Son statut d'opposition officielle, et tous les avantages qu'il comporte, est en équilibre précaire.

La nouvelle filtrait déjà depuis quelques jours, dit-on aujourd'hui. Bavard, l'ancien député libéral d'Iberville, Jean Rioux, expliquait dans sa région que le cabinet de Jean Charest avait subitement pensé le nommer à la Commission municipale, lui qui avait pourtant fermement l'intention de se représenter. M. Rioux a été nommé fin septembre, il y a plus d'un mois, parce qu'on voulait libérer la voie à Riedl du côté libéral.

»Fun, passion et résultats»

Trois mots cardinaux dans la carrière du député d'Iberville, entrepreneur jovialiste: «Fun, passion et résultats.» Pour l'heure, sa contribution à la littérature se limite à un seul ouvrage, aussi court que percutant: Qui a tué le plaisir au travail. Cet abécédaire, Jean Charest s'en délectera sans doute en fin de semaine. À la lettre «A», on retrouve «ancienneté», «un principe trop souvent utilisé par les syndicats pour protéger les incompétents et perpétuer la médiocrité», tranche M. Riedl.

À «C», on apprend qu'une «convention collective», c'est une «camisole de force pour l'entreprise». Puis, voici notre auteur de plain-pied dans un sujet difficile: les «syndicats». «Travailler moins et gagner plus ne fait plus recette», prévient-il.

Le cas du député Auger est plus épidermique. On chuchotait beaucoup dans la circonscription de Champlain. Quand le whip adéquiste François Bonnardel l'a joint en République dominicaine pour lui demander de faire attention à ses relations, c'en était trop. Quand il a appris que son propre parti avait même fait faire des vérifications par la SQ sur des rumeurs qui se sont révélées sans fondement, la coupe a débordé. «Les gens sont furieux dans Champlain», résumait hier Luc Bouthillier, président de l'association locale, organisateur régional, l'un des fondateurs de l'ADQ en 1994. «Auger avait décidé de se présenter pour nous, l'ADQ était à 11 %», rappelle-t-il. Peut-être croit-il qu'il aura plus de chances comme candidat libéral. «Stephen Harper pensait lui aussi que la campagne serait une simple promenade», martèle Bouthillier, avec la foi du charbonnier.

Il sont bien moins nombreux, ces fantassins, ceux que Dumont appelait ses «guerriers», prêts à monter au créneau avec le rapport Allaire entre les dents. Parmi le personnel adéquiste, bien peu se souviennent de Meech - ils étaient encore en culottes courtes - et de la rupture avec les libéraux de Robert Bourassa.

On se souvient plutôt avec douleur des résultats des récentes élections fédérales - en dehors de quelques circonscriptions à Québec, chaque député de Dumont a vu, derrière le nouveau député bloquiste, la machine du futur adversaire péquiste. En dépit de l'appui des adéquistes, leurs frères de sang, les conservateurs, ont échoué presque partout, preuve tangible que les racines de l'ADQ n'ont pas pris dans le terreau de la Mauricie, et surtout de la grande région de Montréal.

Quel destin pour l'ADQ?

Au deuxième étage du parlement, le retranchement de l'opposition officielle, certaines pleuraient à chaudes larmes après avoir appris la nouvelle des défections en fin de matinée.

Les adéquistes tentent de lire leur destin en soupesant fébrilement chaque déclaration de Jean Charest. N'a-t-il pas laissé un doute sur sa participation à la mission en Chine, dans la première semaine de novembre? Ce serait le signe que des élections sont à nos portes. Il dit que la mission aura lieu, mais en fera-t-il partie? De toute façon, le même Jean Charest, à l'hiver 2007, avait dit publiquement qu'il attendrait le budget de Stephen Harper avant de se lancer en campagne. Et il a fait précisément le contraire! On se fie davantage, à l'ADQ, aux indications des compagnies d'autobus: jusqu'ici aucun autocar n'a été nolisé pour le PLQ pour une campagne. En fait, au premier signe d'hésitation à Québec, tous les commentateurs ont d'une seule voix dit que l'heure n'était pas aux élections. Jean Charest risquerait trop gros s'il fonçait.

À Québec, les cas où on traverse la Chambre sont rarissimes. Il y a eu le sympathique Richard Holden. Le regretté élu de Westmount, du parti anglophone Égalité, qui avait fait la blague la plus retentissante de sa vie en allant rejoindre les troupes de Jacques Parizeau. Élu en 1994, le gouvernement péquiste l'avait nommé à une sinécure.

Mario Dumont doit se souvenir aussi de Jean-Guy Saint-Roch, élu dans Iberville lui aussi, devenu indépendant, puis adéquiste après l'échec de Meech. Un élu surprenant qui avait été déçu quand on avait donné le gouvernail de l'ADQ à Dumont plutôt qu'à lui. Dès lors, il avait compris l'impact d'un député qui change d'allégeance. Ce n'est pas son poids qui compte, mais la direction qu'il prend.

PORTRAIT DES DEUX TRANSFUGES

PIERRE MICHEL AUGER

Circonscription: Champlain (Mauricie).

Élu: le 26 mars 2007 par 5001 voix de majorité sur la députée péquiste sortante Noëlla Champagne. Le PQ détenait la circonscription depuis 1994.

Rôle à l'ADQ: porte-parole de l'opposition officielle en matière de formation professionnelle.

Naissance: à Shawinigan le 11 janvier 1963 (45 ans).

Au plan professionnel : baccalauréat en administration des affaires ; enseignant en hôtellerie.

Fait d'armes: avait voulu être candidat pour l'ADQ aux élections de 2003, pour finalement faire le saut seulement en 2007.

ANDRÉ RIEDL

Circonscription: Iberville (Montérégie).

Élu: le 26 mars 2007 par 5103 voix de majorité sur la candidate péquiste Marie Bouillé. Le député libéral sortant, Jean Rioux, avait terminé troisième.

Rôle à l'ADQ: porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires internationales et d'exportation.

Naissance: à Montréal le 10 octobre 1940 (68ans).

Au plan professionnel : motivateur, conférencier et formateur agréé en management ; auteur de l'ouvrage Qui a tué le plaisir au travail ? Sa philosophie de gestion est: «Fun, passion, résultats. «

Fait d'armes: a appuyé publiquement le chef libéral Stéphane Dion peu avant les élections fédérales du 14 octobre 2008.

Nouvelle répartition des 125 sièges à l'Assemblée nationale

PLQ 48

ADQ 39

PQ 36

VACANTS 2 Depuis les départs de Russell Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) et Michel Bissonnet (Jeanne-ManceViger)