Le gouvernement de Justin Trudeau compte accélérer la cadence pour expulser les demandeurs d'asile qui n'ont pas réussi à convaincre le Canada de les accueillir. Les cibles seront rehaussées du tiers par rapport à leur niveau actuel pour atteindre 10 000 expulsions par année.

Le ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, Bill Blair, a confirmé mercredi cette information, d'abord révélée par la CBC et Radio-Canada. « Les Canadiens ne doivent pas douter que tous les efforts seront déployés », a-t-il indiqué en entrevue à La Presse.

Les expulsions ne viseront pas les milliers d'Haïtiens, de Nigérians ou de Colombiens fraîchement arrivés au Canada en provenance des États-Unis pendant la dernière année. Elles toucheront plutôt des demandeurs d'asile présents au pays depuis plusieurs années, qui ont épuisé tous leurs recours pour obtenir le statut de réfugié.

Quelque 18 000 personnes seraient actuellement en attente d'un renvoi du Canada.

« Il y a quantité de gens qui ont traversé toutes les étapes du processus légal, qui ont été jugés inadmissibles et qui doivent par conséquent être expulsés », a expliqué le ministre Blair.

« Je pense que c'est important de démontrer aux Canadiens que le processus est juste et efficace, mais aussi qu'il y a une décision ultime. » - Bill Blair, ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé

Fait étonnant, les employés de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui seront chargés d'augmenter la cadence des expulsions ont appris l'existence des nouvelles cibles par l'entremise des médias, mercredi. « C'est beaucoup, et on se demande comment on va faire pour atteindre ça alors qu'on manque déjà de ressources », a déploré en entrevue Jean-Pierre Fortin, président national du Syndicats des douanes et de l'immigration.

La Presse révélait la semaine dernière que les employés de l'ASFC appréhendent déjà un déficit de plus de 500 agents frontaliers d'ici l'été prochain. Jean-Pierre Fortin affirme qu'aucun nouveau groupe d'intervention n'a été mis en place au sein de l'Agence pour atteindre la cible de 10 000 expulsions visée par Ottawa.

« Ce que je sais entre les branches, c'est que ça a l'air d'être plus une annonce politique qu'autre chose », a-t-il lancé.

« SOUS-FINANCEMENT CHRONIQUE »

Selon les données de Radio-Canada, le nombre annuel d'étrangers expulsés du Canada a glissé de 18 987 en 2012 à 8472 l'an dernier. Bill Blair attribue la situation à « plusieurs années de sous-financement chronique et de manque d'effectifs à l'ASFC », ce qui aurait contribué à un engorgement du système.

Le ministre estime que le réinvestissement récent de 173 millions annoncé par Ottawa pour accélérer le traitement des dossiers permettra d'atteindre la cible de 10 000 expulsions par année.

M. Blair, un ancien chef de la police de Toronto, s'est vu attribuer la responsabilité de la gestion des frontières lors du remaniement ministériel de juillet dernier. Il indique que le dossier des expulsions ordonnées fait partie intégrante du mandat qui lui a été confié par le premier ministre.

LE TWEET DE TRUDEAU

L'opposition conservatrice a souvent accusé Justin Trudeau d'être à l'origine de la présente vague de demandeurs d'asile en raison d'un message publié en janvier 2017 sur Twitter. Alors que l'administration Trump multipliait les tentatives de limiter l'arrivée de migrants aux États-Unis, le premier ministre avait écrit : « À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera. »

Plusieurs analystes estiment que le durcissement de ton récent du gouvernement Trudeau vise en partie à faire taire les critiques, à moins d'un an de la prochaine campagne électorale fédérale.