Nouvellement membre du Parti conservateur, l'ancien chef du Bloc québécois Michel Gauthier n'a pas perdu de temps pour jeter les gants afin d'attaquer sa nouvelle cible, le gouvernement libéral de Justin Trudeau, un gouvernement qui est selon lui viscéralement centralisateur et qui dépense sans compter.

Les libéraux de Justin Trudeau sont tellement centralisateurs qu'ils sont prêts à déclencher une querelle constitutionnelle devant les tribunaux avec le gouvernement du Québec pour savoir combien de plants de marijuana on pourra faire pousser « dans les chaumières du Québec », a-t-il affirmé aux journalistes avant d'acheter sa carte de membre du Parti conservateur.

Accueilli à bras ouverts par les militants au premier jour du conseil national du Parti conservateur qui se tient jusqu'à dimanche à Saint-Hyacinthe, M. Gauthier faisait ainsi allusion au bras de fer entre Ottawa et Québec sur la légalisation de la marijuana. Le gouvernement du Québec s'oppose farouchement à l'intention du gouvernement Trudeau de permettre de cultiver jusqu'à quatre plants de marijuana à domicile, tel qu'il est prévu dans le projet de loi C-45 adopté à la Chambre des communes en novembre dernier et présentement à l'étude au Sénat.

Le bras de fer est tel qu'il pourrait se porter devant les tribunaux pour déterminer laquelle, entre la loi québécoise et la loi fédérale, aura préséance sur le territoire du Québec, à moins que le gouvernement Trudeau accepte des amendements à son projet de loi, ce qu'il a rejeté jusqu'ici.               

« C'est tellement viscéral chez les libéraux de vouloir se chicaner constitutionnellement. On est en train de vivre quelque chose d'incroyable. On va vivre une querelle constitutionnelle entre Québec et Ottawa, deux gouvernements libéraux, sur le point extrêmement important de savoir combien de plants de pot on peut faire pousser dans les chaumières du Québec. Quand on va parler de cela, les gens vont dire qu'il est temps que l'on revienne au sérieux », a affirmé M. Gauthier,

« On est en plein emploi, en pleine prospérité économique, vos actions à la bourse montent, mais le déficit est de 26 milliards, selon le directeur parlementaire du budget, en pleine période de prospérité. C'est de l'inconscience. Imaginez quand ça va se mettre à mal aller ! Ça va être 75 milliards, le déficit ! Quand on va parler de cela, on va pas mal moins aimer M. Trudeau ! », a ajouté M. Gauthier.

Il a soutenu que ces arguments vont faire pencher la balance en faveur du Parti conservateur lors de l'élection partielle qui doit avoir lieu dans Chicoutimi-le-Fjord et qui pourrait être déclenchée dès dimanche par le premier ministre Justin Trudeau. Si tel devait être le cas, l'élection partielle aurait lieu le 18 juin, et Michel Gauthier entend donner un coup de main au candidat conservateur Richard Martel.

M. Gauthier ne sera pas candidat conservateur aux prochaines élections, mais compte faire campagne activement pour donner un coup de pouce aux candidats. 

« Je suis encore capable de faire un discours. Et j'ai beaucoup d'amis au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je suis convaincu que ce comté est prenable. Attendez qu'on ait fait le tour, vous allez voir qu'on jasera le lendemain de l'élection. Je suis sûr qu'on va gagner Chicoutimi », a-t-il dit.

Un trait sur l'option souverainiste

Devant les journalistes, M. Gauthier a affirmé avoir fait un trait sur l'option souverainiste parce que la population québécoise a passé aussi à autre chose.

« Lorsque la population n'est pas derrière un projet comme cela, il faut un jour se tourner. On n'a pas le droit de se dire Non trois fois, autant au plan international qu'à l'interne. J'ai donc réalisé que même la tenue d'un référendum était devenue un argument politique pour battre le Parti québécois. Alors, tu ne peux pas marcher contre nature tout le temps. Je suis branché sur les citoyens. Je l'ai été pendant sept mandats comme député et j'ai la prétention de l'être encore même si j'étais retiré dans mes terres. Alors, je me suis dit qu'il faut que cela cesse. Et j'ai décidé de travailler positivement à doter le Québec d'un gouvernement qui répond à nos objectifs », a-t-il affirmé.

M. Gauthier a aussi révélé avoir suggéré aux dirigeants du Bloc québécois, dont l'ex-chef Gilles Duceppe, après la campagne de 2006, que le Bloc québécois n'avait plus sa place à Ottawa et qu'il était temps de plier bagage. Mais cette suggestion a été fort mal reçue par ses collègues. M. Gauthier a quitté la politique fédérale en 2007.

« Déjà, en 2006, j'étais sensible à ce que les gens m'ont dit après la campagne électorale. J'ai dit à Gilles Duceppe : "Gilles, ce n'était pas supposé durer longtemps. On a eu le scandale des commandites qui nous a prolongés à Ottawa, je pense qu'il faudrait honorablement quitter la scène fédérale. Ce n'est pas notre place". Je n'ai pas eu une très bonne réception. On m'a dit : "C'est la démocratie qui nous a mis là, et ce n'est pas à nous de décider que la démocratie n'aura plus ce choix". Et j'ai répondu : "C'est parfait, la démocratie s'en occupera". La démocratie s'en est occupée quelques années plus tard », a-t-il révélé.

M. Gauthier n'était pas le seul à susciter l'engouement des troupes d'Andrew Scheer. Le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, a aussi acheté sa carte de membre, et il a tout fait sauf confirmer qu'il portera les couleurs du Parti conservateur aux prochaines élections.

L'arrivée de Michel Gauthier au sein du Parti conservateur a provoqué de nombreuses réactions. Dans les rangs conservateurs, on estime qu'il permettra d'augmenter le courant entre les nationalistes au Québec et le Parti conservateur.

« Il a fait un cheminement de longue date. Il l'a dit. Il était prêt. Il croit aux valeurs conservatrices. Il veut un changement. Il se tourne vers l'avenir. Je pense que c'est une excellente acquisition pour nous. Mais c'est aussi un citoyen engagé avec toute sa passion. Il va communiquer ce message-là au cours des prochains mois, c'est certain », a affirmé le sénateur conservateur Claude Carignan, qui a joué un rôle dans la réflexion de Michel Gauthier.

« Il devient clairement un bon ambassadeur pour les conservateurs, un nationaliste de la trempe de Michel Gauthier, qui prend la parole, qui défend les intérêts du Québec, et qui dit qu'il va participer à la création du programme conservateur qui va représenter les intérêts des Québécois. C'est une journée exceptionnelle aujourd'hui », a-t-il ajouté.

Pour le député conservateur Gérard Deltell, la décision de Michel Gauthier démontre que le Parti conservateur est une option de rechange crédible aux libéraux de Justin Trudeau au Québec.

« C'est le signal que les Québécois sont de plus en plus attentifs à ce que l'on fait. C'est le signal qu'Andrew Scheer attire les Québécois. C'est le signal aussi que les Québécois se rendent compte que si on veut faire avancer le Québec, ça passe avec le Canada et ça passe avec le Parti conservateur », a-t-il dit.

Présente au début du conseil national, la députée néo-démocrate de Saint-Hyacinthe-Bagot, Brigitte Sansoucy, a soutenu que les Québécois ne seront pas dupes. Selon elle, les conservateurs, malgré leur opération charme, ont toujours les mêmes politiques.

« Je pense qu'il ne suffit pas de sourire et d'aller à "Tout le monde en parle" pour que tout à coup le Parti conservateur se transforme. Ce que je vois en Chambre à tous les jours, c'est le même Parti conservateur qu'on a vu pendant les 10 ans de Stephen Harper, les mêmes positions. Encore cette semaine, c'était flagrant avec la déclaration d'un député comme quoi les femmes n'ont pas le droit de choisir et le chef ne le rabroue pas. Je le vois en environnement. [...] Les Québécois et les Québécoises vont bien faire l'année prochaine que choisir entre les libéraux et les conservateurs, c'est choisir entre le pire et le moins pire », a-t-elle dit.