Après avoir renié sa promesse de réformer le mode de scrutin, le gouvernement de Justin Trudeau aimerait bien faire adopter à toute vapeur quelques autres amendements à la Loi électorale avant le prochain scrutin d'octobre 2019.

Comme Élections Canada a habituellement besoin d'environ un an pour mettre en place des changements, les libéraux ne disposent plus que de six ou sept mois pour faire adopter au moins trois projets de loi qui touchent le processus électoral. Or, l'un de ces projets de loi n'a même pas encore été déposé aux Communes, alors qu'un autre sommeille à l'étape de la première lecture depuis 16 mois.

Le directeur général des élections par intérim, Stéphane Perrault, prévenait le mois dernier en comité parlementaire que le temps commence à presser sérieusement si le gouvernement souhaite apporter des changements majeurs avant le prochain scrutin. À commencer, d'ailleurs, par la nomination d'un nouveau directeur général des élections - Marc Mayrand avait annoncé son départ en juin 2016, et il a quitté ses fonctions il y a près de 18 mois maintenant.

Justin Trudeau avait promis pendant la campagne de 2015 plusieurs modifications au processus électoral. Il a depuis rompu sa promesse de remplacer le système uninominal à un tour par un système proportionnel, mais les libéraux soutiennent que les autres mesures promises sont toujours à l'ordre du jour.

Le projet de loi C-33, déposé en novembre 2016, vise à abolir certaines restrictions mises sur la route des électeurs par le précédent gouvernement conservateur dans sa Loi sur l'intégrité des élections. Ainsi, il serait dorénavant possible d'aller voter en présentant simplement son carton de l'électeur comme pièce d'identité; un citoyen pourrait aussi répondre à nouveau de l'identité d'un autre électeur au bureau de scrutin.

Par ailleurs, le DGE pourrait à nouveau mener des campagnes de sensibilisation auprès des citoyens, et le bureau du Commissaire aux élections fédérales, qui veille à l'application de la loi, serait rapatrié au sein du DGE. Ce projet de loi redonnerait enfin le droit de vote aux expatriés qui ont quitté le Canada depuis plus de cinq ans.

Mais C-33 n'a pas bougé depuis son dépôt il y a 16 mois, et certains groupes, qui se réjouissaient à l'époque, se demandent maintenant si les libéraux n'ont pas perdu leur intérêt. Même que le gouvernement devra présenter d'ici vendredi ses arguments écrits dans une contestation judiciaire de la Loi sur l'intégrité des élections.

«Une priorité»

L'audition d'une autre contestation judiciaire, sur l'exclusion des expatriés, a été reportée en Cour suprême parce que le gouvernement Trudeau avait plaidé le dépôt du projet de loi C-33. Or, de guerre lasse, la Cour a finalement commencé à entendre cette contestation la semaine dernière.

Le gouvernement soutient par ailleurs qu'il entend maintenant procéder rapidement. «Il s'agit d'une priorité de ce gouvernement», a soutenu Mark Kennedy, porte-parole de la leader du gouvernement à la Chambre des communes, Bardish Chagger.

Un deuxième projet de loi devrait par ailleurs être déposé dès le mois prochain pour remplir d'autres promesses électorales. Ce projet de loi limiterait les dépenses électorales avant la campagne proprement dite mais aussi, peut-être, durant la campagne, et il créerait un bureau indépendant pour l'organisation des débats des chefs à la télévision. Le gouvernement a déjà indiqué qu'il souhaitait aussi restreindre les contributions des groupes de pression à des partis politiques.

Le gouvernement Trudeau pourrait aussi déposer un autre projet de loi dont l'importance vient d'éclater dans l'actualité: réglementer les géants du web, comme Facebook, pour éviter toute ingérence dans le processus électoral. M. Trudeau aurait donné à ces géants jusqu'à l'été prochain pour démontrer qu'ils peuvent s'autoréglementer, sans quoi Ottawa devra agir.

Enfin, un projet de loi qui obligerait les partis à rendre publiques leurs activités de financement a eu beaucoup plus de succès: le projet de loi C-50 a été déposé en mai dernier puis adopté aux Communes, et il est actuellement étudié en deuxième lecture au Sénat. Il faut dire que les libéraux avaient été échaudés par le scandale des activités de financement qui accordaient un accès privilégié à M. Trudeau et à des ministres, moyennant contribution au Parti libéral.