Un comité parlementaire s'apprête à partir en tournée pancanadienne pour mener une consultation sur la traite de personnes, alors qu'un projet de loi visant à s'attaquer à ce fléau a été déposé il y a plus d'un an - et n'a pas bougé d'un centimètre depuis.

Le comité permanent de la justice et des droits de la personne a annoncé jeudi que ses membres voyageront d'est en ouest au pays, du 18 au 23 mars, afin de prendre le pouls des survivants de la traite de personnes et d'intervenants du milieu.

Dans le communiqué annonçant la tournée du comité, qui fera escale à Halifax, Montréal, Toronto, Edmonton et Vancouver, il est notamment mentionné que l'on « tiendra compte des modifications proposées dans le projet de loi C-38 ».

Or, ce projet de loi fait du surplace depuis son dépôt en Chambre, le 9 février 2017. Il avait été présenté en remplacement d'un autre, d'initiative parlementaire, qui avait franchi toutes les étapes législatives, obtenu la sanction royale en juin 2015, mais qui n'est jamais entré en vigueur.

En arrivant au pouvoir, en octobre 2015, les libéraux de Justin Trudeau n'avaient qu'à signer un décret pour que s'appliquent les dispositions du projet de loi C-452, déposé par l'ex-députée Maria Mourani. Ils ne l'ont cependant pas fait, disant avoir identifié des problèmes de constitutionnalité.

La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a mis plus d'un an à présenter la nouvelle mouture libérale du projet de loi. Un an plus tard, C-38 en est toujours à l'étape de la première lecture, ce qui signifie qu'il n'a même pas fait l'objet d'un débat en Chambre.

« Il est alarmant que la traite de personnes persiste au Canada malgré les efforts déployés au cours des dernières années pour mettre fin à ce crime horrible », a déclaré jeudi par voie de communiqué le président du comité, le libéral Anthony Housefather.

« Il nous faut poursuivre le travail en vue de contrer et de prévenir la traite sous toutes ses formes », a-t-il ajouté.

Le comité permanent de la justice et des droits de la personne a mis de côté 116 171,40 $ pour le voyage lors d'une réunion, en novembre dernier. « Évidemment, c'est une estimation seulement et le véritable coût ne sera connu qu'au retour », a précisé jeudi la greffière.

En début de semaine, la ministre Wilson-Raybould n'a pu justifier la lenteur du cheminement de son projet de loi. Elle a simplement offert qu'elle aimerait voir toutes les mesures législatives dont elle est marraine bouger plus vite et formulé le souhait que cela soit le cas pour C-38.

La marraine du projet de loi C-452, de son côté, a dit toute son exaspération face à l'inaction libérale. « Au fond, ce sont les victimes et les familles, encore, qui vont payer la note, tout simplement », a regretté en entrevue Maria Mourani, s'exprimant à titre de criminologue.

Tous les partis d'opposition ont dénoncé la lenteur du processus. Le député néo-démocrate Murray Rankin a pour sa part suggéré que le gouvernement signe le décret afin qu'entre en vigueur le projet de loi Mourani.

Il estime qu'en attendant la réforme des peines minimales promise par le gouvernement, les juges peuvent très bien faire usage de leur pouvoir discrétionnaire en matière d'imposition des peines si des cas d'exploitation et de traite de personnes se retrouvent devant eux.