Le gouvernement Trudeau réprouve timidement la décision du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël et d'y déménager éventuellement l'ambassade des États-Unis.

«Le Canada ne déménagera pas son ambassade. On va rester à Tel-Aviv», a répondu Justin Trudeau, aux journalistes qui lui demandaient s'il reprocherait directement à Donald Trump sa décision, depuis la Chine où il terminait, jeudi matin, un voyage de six jours.

«Le Canada a une politique, depuis très longtemps, de pousser pour une solution à deux États, d'encourager les négociations directes entre tous les pays, toutes les parties concernées, particulièrement les peuples juif et palestinien», a-t-il également rappelé.

Le premier ministre Trudeau a préféré ne pas critiquer directement le président américain alors qu'on lui soulignait que d'autres leaders, dont des chefs de gouvernements européens, offraient des dénonciations publiques.

«Ne pas déménager l'ambassade, c'est bien le minimum», a lancé Nour El Kadri, président de la Fédération canado-arabe. «Nous nous attendons à plus de notre premier ministre», a-t-il ajouté, lors d'un point de presse jeudi matin, à Ottawa.

«Quelqu'un qui veut un siège au Conseil de sécurité des Nations unies devrait commencer à prendre des positions sur les violations des résolutions du Conseil de sécurité», a-t-il ironisé, en citant la longue liste de résolutions sur le statut de Jérusalem adoptées depuis 1968.

S'il ne parle pas plus fort, «le Canada restera sur la touche», de l'avis de M. El Kadri.

Les élus libéraux interrogés sur la décision du locataire de la Maison-Blanche s'en tiennent jusqu'à présent à la position du gouvernement canadien. Mais pour au moins l'un d'entre eux, l'enjeu semble provoquer un réel inconfort.

L'habituellement affable député Anthony Housefather, qui est de confession juive, a multiplié les contorsions pour éviter de se prononcer tant sur le pavé qu'a jeté dans la mare le président Trump que sur la position de son gouvernement.

«Je vais vous parler de ça dans l'avenir, mais aujourd'hui, je crois que la position de Mme Freeland et la position du gouvernement, c'est ma position pour l'instant», a-t-il fini par dire à La Presse canadienne, jeudi. La veille, il avait refusé de commenter.

Critique néo-démocrate, prudence conservatrice

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) réclame plus de bruit de la part du gouvernement canadien. Pour la deuxième journée consécutive, aux Communes, les députés néo-démocrates ont voulu entendre les protestations d'Ottawa.

«Le gouvernement va-t-il se joindre à la communauté internationale pour exprimer son désaccord face à cette décision totalement irréfléchie?», a lancé le député Guy Caron, tandis que sa collègue Hélène Laverdière déplorait «le manque de colonne vertébrale» du gouvernement.

L'opposition officielle, elle, a annoncé ses couleurs dans ce dossier seulement jeudi après-midi, 24 heures après la déclaration du président Trump.

«Le gouvernement est basé à Jérusalem, la Knesset (est là). Le premier ministre Harper y a été invité et y a donné un discours. Notre dialogue avec les leaders de la société civile et les leaders élus en Israël se fait là», a souligné le député conservateur Erin O'Toole, au nom de son parti.

M. O'Toole assure cependant que la position de son parti n'est pas encore arrêtée, qu'il doit y avoir discussion au caucus d'abord, qu'il ne faut pas «déstabiliser» la situation.

Et puis, le déménagement des ambassades à Jérusalem n'est pas pour demain. Mais «c'est une question qui mérite qu'on la prenne en considération, pas qu'on réponde simplement »non« comme l'a fait le gouvernement hier», a-t-il ajouté.

Son collègue Peter Kent n'a pas non plus voulu trop s'avancer sur la question de l'ambassade canadienne, mais il a tout de même été un peu plus candide sur l'enjeu israélo-palestinien, s'exprimant à titre personnel.

«Je partage le rêve qu'un jour, Jérusalem soit universellement reconnue comme la capitale d'Israël», comme «la plupart, sinon tous mes commettants de Thornhill», a-t-il affirmé à La Presse canadienne.

Le député a tenu à spécifier qu'au Parti conservateur, la position demeure que «le statut final, officiel, de la ville de Jérusalem» doit être fixé «seulement à l'issue de négociations de paix entre les deux parties».

Et s'il a dit trouver que «le déménagement de l'ambassade (américaine) est problématique», il a néanmoins plaidé que le discours dans lequel Donald Trump l'a confirmé, mercredi, était «l'un des plus complexes et nuancés qu'il ait faits sur les enjeux du Moyen-Orient».

L'organisation B'nai Brith Canada a appelé le gouvernement Trudeau à imiter l'administration Trump, plaidant dans un communiqué qu'Ottawa doit «reconnaître Jérusalem comme capitale israélienne et faire des plans pour relocaliser son ambassade de Tel-Aviv».

Pour mémoire, en 1979, le premier ministre progressiste conservateur d'alors, Joe Clark, a dû renoncer au déménagement de l'ambassade canadienne à Jérusalem devant les vives réactions provoquées par son projet.