Le gouvernement Trudeau est intervenu pour régler deux actions collectives pour harcèlement déposées par des femmes contre la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Ce règlement, conclu au nom des « valeurs canadiennes » et qui devrait coûter 100 millions, ouvre-t-il la porte pour régler les autres actions collectives de ce type, qui se multiplient depuis l'automne ?

Dans sa « Rétrospective annuelle sur les litiges 2016 », publiée le 3 février dernier par le ministère de la Justice, l'intervention du nouveau gouvernement est claire : « Au cours de la première année de son mandat, le gouvernement a réglé des affaires importantes ou y a mis fin lorsqu'il a établi que le maintien des litiges en cause ne concordait pas avec les valeurs canadiennes. » 

Dans la section « règlement » figure l'action Merlo-Davidson, avec la mention suivante : « Le Canada a signé une convention de règlement, maintenant à la Cour fédérale pour approbation, afin de régler deux recours distincts [...]. Le règlement démontre la détermination du Canada de veiller à ce que toutes les femmes qui servent comme membres, employées et cadettes de la GRC se sentent en sécurité et respectées. » De là à conclure que cette situation pourrait s'appliquer à bien d'autres, hommes ou femmes, il n'y a qu'un pas.  

Après avoir lu le document, Me Jean-Michel Boudreau, qui pilote une demande d'action collective contre le harcèlement des gais et lesbiennes dans l'armée canadienne, a réagi ainsi dans un courriel : « Nous constatons, comme vous, la politique affirmée par le gouvernement de régler des affaires importantes lorsque le maintien du litige ne concorde pas avec les valeurs canadiennes. Nous estimons qu'une telle politique devrait s'appliquer à notre action collective, Roy c. Attorney General of Canada. En effet, selon nous, il est évident que la purge LGBT dont il est question dans notre action est incompatible avec les valeurs canadiennes fondamentales. » 

Pas surpris 

Me James Duggan a présenté une demande d'action collective à plusieurs volets contre la GRC, l'automne dernier. L'avocat, qui dit représenter des policiers de la GRC depuis trois décennies, évalue que tous, ou à peu près, ont subi de l'intimidation, et que « ça commence à l'entraînement ». Son recours allègue entre autres du harcèlement et de l'abus de pouvoir envers les membres, ainsi que de la discrimination envers les francophones. 

Après avoir lu le document du ministère de la Justice, Me Duggan croit que la politique du gouvernement devrait s'appliquer au recours qu'il pilote. « Tous les membres de la GRC souhaitent que le gouvernement actuel agisse selon les principes qu'il a reconnus et qu'il soit conséquent avec eux », a-t-il dit. Une autre action collective de harcèlement contre la GRC est dans les cartons du cabinet Kim Orr Barristers, à Toronto, celui-là même qui a piloté le recours Davidson. Cette fois, les plaignants seront des hommes, a confirmé Me Megan McPhee, impliquée dans le recours Davidson. 

Prudence au ministère de la justice 

Au ministère de la Justice, on ne s'avance pas sur les autres dossiers. Ian McLeod, conseiller principal aux relations avec les médias, confirme que le premier ministre a demandé au procureur général de revoir la stratégie du gouvernement sur les litiges, comme c'est écrit dans le document. Cela afin de mettre fin à des appels ou à des positions qui ne concordent pas avec les engagements du gouvernement, la Charte canadienne des droits et libertés ou les valeurs canadiennes. « Quoique nous ne pouvions pas discuter des litiges actuels en termes spécifiques, nous travaillons pour appuyer cet objectif en évaluant le fond de chaque dossier », a répondu M. McLeod par courriel.