Le gouvernement Trudeau songe à déployer davantage de policiers et de douaniers à certains endroits de la frontière canado-américaine dans la foulée de la récente hausse du nombre de demandeurs du statut de réfugié qui entrent illégalement au pays à pied en passant par le Québec ou le Manitoba.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a indiqué hier à la Chambre des communes que la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et le ministère de l'Immigration planchent sur une série de mesures visant à composer avec l'arrivée de ces immigrants qui tentent de trouver refuge au Canada.

Si ces trois organisations jugent qu'il faut augmenter les effectifs canadiens à la frontière afin de protéger «l'intégrité de la frontière et appliquer les lois», le gouvernement Trudeau se montre tout à fait ouvert à examiner cette option, a indiqué le ministre Goodale.

«Nous partageons tous un intérêt commun à assurer l'intégrité des frontières canadiennes et l'application des lois canadiennes. La GRC, l'ASFC et le ministère de l'Immigration travaillent sans relâche à cette fin», a-t-il.

«Si l'ASFC ou la GRC nous avisent qu'ils ont besoin de plus de ressources pour faire leur travail de manière efficace, nous allons écouter attentivement leur conseil».

Le ministre a aussi salué les efforts humanitaires déployés par les Canadiens vivant dans les petites communautés comme Emerson, au Manitoba, et Hemmingford, au Québec, qui ont vu au cours des derniers jours un nombre important de demandeurs de statut de réfugié frapper à leurs portes.

Respect des lois

Alors qu'il affirmait le mois dernier que le Canada continuerait d'être une terre d'accueil pour les réfugiés qui fuient la guerre et la persécution, après l'adoption par le président Donald Trump d'un décret interdisant aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane d'entrer aux États-Unis, le premier ministre Justin Trudeau a indiqué hier qu'il était important de s'assurer que les lois canadiennes soient respectées de manière à ce que les Canadiens fassent confiance au système d'immigration.

«C'est important de s'assurer que toutes les lois sont en train d'être suivies et que les Canadiens peuvent avoir confiance dans l'intégrité de notre système d'immigration et de nos frontières», a insisté le premier ministre.

Mais pour l'heure, le gouvernement Trudeau rejette la demande du Parti conservateur de refouler à la frontière américaine les immigrants qui cherchent à entrer plus rapidement au pays en faisant fi des règles en matière d'immigration.

Conservateurs et NPD aux antipodes

Selon le député et candidat à la direction du Parti conservateur Steven Blaney, le Canada doit agir sans tarder pour fermer sa frontière aux immigrants illégaux.

«J'en appelle à des actions immédiates, compte tenu de l'évolution de la situation, a-t-il déclaré en conférence de presse à Montréal, hier. On assiste à une perméabilité à nos frontières qui pose un enjeu pour la sécurité des citoyens canadiens, mais également au niveau de l'intégrité de notre système d'immigration.»

Le député de Bellechasse-Les Etchemins-Lévis demande notamment au gouvernement Trudeau de modifier la loi afin que les personnes interceptées après avoir traversé illégalement la frontière puissent être immédiatement amenées au poste frontalier le plus près et remises aux autorités américaines.

Steven Blaney réclame également l'ajout d'environ 200 policiers à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et 200 autres agents à l'ASFC, afin d'intercepter les illégaux et d'en assurer le traitement rapidement. Une telle mesure coûterait environ 40 millions.

Tout en se gardant de condamner la déclaration unanime des élus de la métropole de faire de Montréal une ville sanctuaire, l'aspirant-chef conservateur a interpellé les villes - et particulièrement le maire Denis Coderre - en leur demandant de «collaborer pleinement avec les autorités, plutôt que de faire un appel qui pourrait menacer notre sécurité, particulièrement en regard des immigrants illégaux avec des dossiers criminels».

M. Blaney a ajouté que d'agir ainsi vient court-circuiter les immigrants qui veulent entrer au pays légalement.

De son côté, le député conservateur Tony Clement a encore réclamé hier qu'Ottawa prenne les moyens pour contrer le flot de demandeurs de statut de réfugié qui entrent illégalement au pays de la sorte.

« Nous accueillons des dizaines de milliers de nouveaux Canadiens chaque année. Toutefois, l'augmentation des entrées illégales par les demandeurs d'asile au Manitoba et au Québec est inquiétante. Ceux qui cherchent asile doivent le faire par les voies appropriées », a estimé M. Clement.

«Le gouvernement va-t-il appliquer et renforcer nos lois, au besoin, pour stopper les passages à la frontière illégaux et dangereux?».

Le Nouveau Parti démocratique presse au contraire le gouvernement Trudeau de suspendre l'entente sur les tiers pays sûrs. Cette entente fait en sorte que les demandeurs d'asile qui ont déjà déposé une demande aux États-Unis sont automatiquement refoulés s'ils font une nouvelle demande aux postes frontaliers canadiens. «Une suspension de l'entente ferait en sorte que les migrants pourraient se présenter à un poste-frontière normal et demander d'être entendus comme réfugiés. Cela permettrait de prendre des décisions à tête froide», a indiqué la députée néo-démocrate Hélène Laverdière.

«Plutôt que d'avoir des gens qui traversent en pleine nuit, n'importe comment, ça permettrait d'avoir un processus beaucoup plus normal. Leurs demandes de réfugié seraient analysées plus froidement et plus calmement, plutôt qu'avec l'espèce de pagaille qu'on observe actuellement», a-t-elle ajouté.

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Discussions entre provinces


Le premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, a indiqué hier qu'il parlerait avec d'autres premiers ministres des provinces canadiennes la semaine prochaine afin de discuter de la hausse du nombre de demandeurs du statut de réfugié qui traversent illégalement la frontière canado-américaine. Cet entretien téléphonique vise à coordonner les approches des gouvernements provinciaux et fédéral quant à la façon de faire face à cet afflux.

La communauté frontalière d'Emerson est l'une des régions du Manitoba par où passent un nombre grandissant de migrants cherchant refuge. Le préfet d'Emerson, Greg Janzen, plaide pour qu'Ottawa modifie l'entente entre le Canada et les États-Unis sur les tiers pays sûrs, afin que les réfugiés fuyant les États-Unis puissent réclamer le droit d'asile en se présentant aux postes frontaliers officiels du Canada. Le premier ministre Pallister n'a pas pris d'engagement en ce sens, se disant partagé entre les arguments pour et contre.

- Avec La Presse Canadienne