La voie de contournement de Lac-Mégantic, le sort de Raif Badawi et l'immigration ont monopolisé l'assemblée citoyenne organisée par Justin Trudeau mardi soir au manège militaire de Sherbrooke. Le premier ministre s'est d'ailleurs fait un devoir de répondre uniquement en français aux nombreuses questions du public en anglais mardi soir lors de la première séance publique québécoise de sa tournée politique pancanadienne.

«Je suis content de pouvoir être ici, à Sherbrooke! J'ai pris quelques minutes avec l'épouse de Raif Badawi, Ensaf Haidar, qui est ici ce soir. Ça fait plaisir de vous voir! Vous savez très bien à quel point les gens de Sherbrooke, du Québec, du Canada entier vous ont dans leur coeur!», a lancé d'entrée de jeu Justin Trudeau, en regardant la résidante de Sherbrooke, présente dans la foule avec ses enfants. Ces paroles ont d'ailleurs suscité les applaudissements les plus nourris de la soirée. 

Le premier ministre a assuré «travailler très fort» avec le gouvernement saoudien pour que Raif Badawi, détenu en Arabie saoudite depuis plus de quatre ans, «rejoigne sa famille». «On est tous en train d'être très préoccupés par la situation auquel fait face Raif», a assuré Justin Trudeau. Des propos qui «donnent de l'espoir» à Ensaf Haidar qui rencontrait le premier ministre pour la première fois. «J'ai toujours espoir pour demain, pour les semaines prochaines, j'ai toujours espoir. J'espère que je ne vais pas perdre mon espoir», a-t-elle déclaré en mêlée de presse.

«Ça fait quatre ans que ça perdure! [...] Quand allez-vous annoncer la construction de la voie de contournement?», a tonné Robert, un citoyen de Lac-Mégantic. Une question applaudie bruyamment par la foule. Cette voie ferrée est un enjeu majeur dans la région depuis la tragédie ferroviaire qui a fait 47 morts en 2013. Justin Trudeau rencontrera d'ailleurs ce matin le maire de Lac-Mégantic pour «pour voir comment nous allons pouvoir aider cette communauté qui a été heurtée, quasiment anéantie de façon émotionnelle par cette tragédie».

«Le combat contre le train d'enfer se déroule à pas de tortue», a grondé par après un autre citoyen, à la longue barbe blanche. Ce dernier était toutefois «très ému» par la réponse du premier ministre qui s'est gardé de dévoiler un échéancier précis. «J'entends clairement à quel point les gens réclament cette voie de contournement. On est train d'y travailler avec la province, la municipalité. On poursuit le processus d'évaluation, on va vouloir l'accélérer. On espère pouvoir livrer pour l'avenir», a répété Justin Trudeau.

L'assemblée publique qui se déroulait mardi soir à Sherbrooke était organisée sur le modèle américain des «Townhall meetings». Debout au centre de la grande pièce du manège militaire, le premier ministre choisissait des citoyens parmi le public pour lui poser une question sur n'importe quel sujet. L'exercice s'est déroulé pendant un peu plus d'une heure sans coup d'éclat. La tournée pancanadienne de Justin Trudeau, véritable marathon de séance publique, a commencé la semaine dernière en Ontario et dans les Maritimes. 

Six citoyens se sont adressés à Justin Trudeau en anglais au cours de la soirée. Contrairement à son habitude, le premier ministre n'a jamais employé la langue de Shakespeare pour leur répondre, pas même le temps d'une simple phrase. «Merci de votre utilisation de nos deux langues officielles au pays. Mais on est au Québec, je vais répondre en français», a-t-il répondu à une citoyenne qui se plaignait du manque de service de santé en anglais dans les Cantons-de-l'Est.

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Donald Trump

Le président désigné Donald Trump a été élu «en grande partie» par la classe moyenne ressentant des «frustrations», a soutenu Justin Trudeau en réponse à la question d'une jeune femme, à quelques jours de l'entrée en poste du président Trump. Le premier ministre a maintenu que des États américains, des compagnies et des syndicats réagiront rapidement «si le nouveau président veut commencer «à imposer des barrières à la frontière». Justin Trudeau a assuré vouloir établir avec le nouveau président une «relation de travail constructive pour pouvoir parler de l'intégration de nos économies». 

Marijuana

Transport en commun en Estrie, sort des petites entreprises, industrie pharmaceutique, certains citoyens avaient des questions bien précises à poser au premier ministre, dont un homme d'une vingtaine d'années qui a interpellé Justin Trudeau sur la production de marijuana. «Soyez patients, ça s'en vient! On va le faire de la bonne façon», a déclaré le premier ministre, au terme d'un exposé sur les avantages de la légalisation de la marijuana. Un projet devrait être déposé «d'ici ce printemps». «Jusqu'à ce qu'on change la loi, la loi actuelle demeure», a-t-il toutefois précisé.

Immigration

Plusieurs interventions de citoyens ont touché les enjeux d'immigration, mais jamais pour critiquer la politique libérale, outre une femme d'un organisme d'aide aux immigrants qui a dénoncé la difficulté de communiquer avec les fonctionnaires. Deux réfugiés récents ont notamment pris la parole pour remercier le premier ministre et vanter les mérites de sa politique d'accueil. Un jeune Afghan, établi au Québec depuis un an, a carrément qualifié de «père» Justin Trudeau, visiblement gêné par cette louange.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Ensaf Haidar