Les «milliers d'emplois en Ontario», l'engagement électoral des libéraux et les pénalités en cas de rupture du contrat ne sont pas des raisons suffisantes en vertu de la loi pour que le gouvernement Trudeau autorise le contrat de 15 milliards de dollars pour la vente de véhicules blindés légers à l'Arabie saoudite, soutient le groupe Opération Droits Blindés, qui poursuit le gouvernement Trudeau afin d'empêcher la vente des blindés.

Le groupe Opération Droits Blindés fait valoir que la décision du ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion d'octroyer les permis d'exportation des véhicules blindés vendus à l'Arabie saoudite est «déraisonnable», qu'elle «a été guidée par des considérations autres que le respect des droits fondamentaux» - l'un des critères à respecter en droit canadien -, et que le processus administratif était «vicié» par l'examen de «facteurs non pertinents». 

Dans son mémoire déposé à la mi-septembre en Cour fédérale, le groupe identifie cinq facteurs non pertinents évoqués par Ottawa qui ont «vicié» le processus d'examen d'octroi des permis d'exportation: «le maintien de milliers d'emplois en Ontario, le fait que son parti politique s'était engagé en campagne électorale à donner suite au contrat déjà conclu, une soi-disant pénalité pour le Canada si le contrat n'allait pas de l'avant, le fait que la réputation internationale du Canada serait entachée s'il ne respectait pas ses contrats, et le fait que d'autres États procureront des véhicules blindés légers à l'Arabie saoudite si le Canada ne le fait pas», allègue le mémoire déposé par le groupe d'une trentaine d'étudiants de l'Université de Montréal dirigés par le professeur de droit Daniel Turp et le cabinet Trudel Johnston & Lespérance.

«Les arguments qui sont de nature économique et politique ne sont pas pertinents lorsqu'il s'agit de décider si on autorise l'octroi d'une licence d'exploration, dit le professeur de droit de l'Université de Montréal Daniel Turp, un ancien député péquiste à Québec et bloquiste à Ottawa, en entrevue à La Presse. [...] Le ministre ne pouvait pas tenir compte de critères comme ceux-là parce qu'ils ne sont pas pertinents. Le critère pertinent, c'est est-ce que ça respectait la loi et les lignes directives qui prévoient qu'il ne devrait pas autoriser l'octroi de permis lorsqu'il y a un risque raisonnable que le matériel militaire exporté contribue à la violation de droits humains.»

Le ministre Dion a expliqué publiquement avoir autorisé les permis d'exportation afin de «ne pas miner la crédibilité de la signature du gouvernement» et de «choisir les bons leviers pour tenter d'améliorer la situation des droits de la personne en Arabie saoudite. Ottawa, qui entend «surveiller rigoureusement et constamment les droits de la personne en Arabie saoudite» et pourrait révoquer les permis s'il y a violation des droits en lien avec les blindés exportés, a aussi cité le fait que l'Arabie saoudite est «allié stratégique» du Canada ainsi que les considérations économiques. Ottawa déposera son mémoire en Cour fédérale d'ici la fin octobre. Le litige sera entendu à la mi-décembre.