Devant la levée de boucliers que provoque son plan de match pour revoir le mode de scrutin au pays, le gouvernement Trudeau accepte la proposition du NPD de créer un comité où les libéraux ne détiendront pas la majorité des votes.

Ce compromis permettra de lancer sous peu les travaux d'un comité parlementaire où tous les partis ayant un siège aux Communes auront non seulement voix au chapitre, mais aussi un droit de vote sur le nouveau mode de scrutin qui pourrait entrer en vigueur aux élections générales prévues en octobre 2019.

La ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, qui a été la cible de vives critiques de la part des partis de l'opposition ainsi que des éditorialistes des grands quotidiens du pays, souhaite ainsi tourner la page sur l'acrimonie qui règne aux Communes sur cette délicate question.

«Ma priorité absolue n'a jamais été de savoir qui détenait la majorité au sein de ce comité. Ma priorité est de mettre le comité sur pied, de lancer les travaux et de démarrer la discussion», a déclaré Mme Monsef en mêlée de presse dans le foyer des Communes.

Le député néo-démocrate Nathan Cullen a salué la décision de la ministre. « Let's rock and roll », a-t-il laissé tomber après l'annonce de la ministre.

Profitant de sa journée de l'opposition, le NPD a déposé une motion hier proposant la création d'un comité spécial sur la réforme électorale dont la composition reflète les suffrages obtenus par chacun des partis au dernier scrutin. À la surprise générale, la ministre Monsef a indiqué que les libéraux acceptent les grandes lignes de la motion, au grand dam des conservateurs qui, selon le député Scott Reid, n'ont pas été mis dans le coup.

Le comité sera donc composé de 12 députés - cinq libéraux, trois conservateurs, deux néo-démocrates, un bloquiste et la chef du Parti vert, Elizabeth May. Mais contrairement à ce que proposait le gouvernement Trudeau, le mois dernier, les représentants du Bloc québécois et du Parti vert auront aussi le droit de vote au comité, privant du même coup la majorité aux libéraux.

« Le gouvernement renonce à sa majorité au sein du comité. Le gouvernement a pris le temps d'écouter les Canadiens et cela en est la démonstration », a indiqué une source libérale.

Essentiellement, trois options sont sur la table pour réformer le mode de scrutin: un vote préférentiel (les électeurs doivent voter en indiquant les candidats en ordre de préférence), un vote proportionnel (un parti politique obtiendrait un nombre de sièges aux Communes correspondant aux suffrages obtenus le jour du scrutin) et le statu quo (vote uninominal à un tour).

Le Parti conservateur, qui se satisferait du statu quo, continue de réclamer la tenue d'un référendum national pour entériner un nouveau mode de scrutin avant les élections de 2019.

« On ne peut pas faire ce type de changement entre politiciens qui s'entendent. Même s'il y a un consensus, ça demeurera toujours des discussions entre politiciens. Il faut aller directement au peuple, comme l'ont fait d'ailleurs trois législatures dans trois provinces canadiennes », a lancé hier le député conservateur de Louis-Saint-Laurent, Gérard Deltell. 

La ministre Monsef n'a pas semblé exclure la possibilité que le gouvernement libéral puisse consentir à organiser un référendum si le comité en faisait la recommandation à l'issue de ses travaux, à la mi-octobre.

Mais le premier ministre Justin Trudeau ne semble pas tenté par l'aventure. En marge d'un événement à Ottawa, mercredi, il a soutenu que les consultations populaires «sont souvent une façon d'empêcher le changement de se faire».

- Avec La Presse Canadienne