La vente de 75 avions de la C Series au transporteur aérien Delta représente « de très bonnes nouvelles ». Mais le gouvernement Trudeau attend toujours un « plan d'affaires solide » de Bombardier avant de donner suite à la demande d'aide financière de plus de 1 milliard de dollars réclamée par l'entreprise et le gouvernement Couillard.

Pour l'heure, les négociations entre Ottawa et les dirigeants de Bombardier semblent se buter à un obstacle important. Le gouvernement fédéral souhaiterait que l'on modifie la structure des actions à vote multiple qui permet à la famille Beaudoin-Bombardier de contrôler l'entreprise. Or, cette requête a été rejetée de manière catégorique. « Nos actions à vote multiple nous permettent d'investir à long terme et de [nous protéger contre] le démantèlement de cette société. Nous n'avons pas l'intention de changer quoi que ce soit », a indiqué vendredi le président exécutif du conseil d'administration de Bombardier, Pierre Beaudoin.

Interrogé à ce sujet, hier, en marge du congrès de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada à Montréal, le premier ministre Justin Trudeau s'est montré prudent, malgré les pressions exercées par son homologue du Québec Philippe Couillard.

« Écoutez, je ne veux pas négocier sur la place publique. C'est certain que les nouvelles d'achat de la part de Delta, ce sont de très bonnes nouvelles pour Bombardier. Nous avons un avion exceptionnel à offrir au monde. Pour moi, l'industrie aéronautique demeure essentielle dans la croissance économique du Canada. Cela donne de bons emplois ici au Québec, mais aussi à travers le pays. Alors nous continuons de négocier avec Bombardier pour avoir un plan d'affaires solide », a affirmé M. Trudeau.

Ce refus de la famille Beaudoin-Bombardier de jeter du lest sur la question de la structure des actions pourrait-il faire déraper les négociations au point qu'Ottawa écarterait toute forme d'aide ? Les députés libéraux fédéraux du Québec refusent d'envisager un tel scénario, étant donné l'importance de l'industrie aérospatiale pour la grande région de Montréal, le Québec et l'ensemble du pays. « Il est évident qu'il faut trouver une façon d'aider Bombardier », indique-t-on. Du même souffle, les députés soutiennent que le gouvernement fédéral a l'obligation de bien faire ses devoirs avant d'autoriser un tel investissement.

« Vendre 75 avions à Delta Air Lines est une très bonne nouvelle. Mais quand on vend ces appareils à perte, ce n'est pas nécessairement un plan d'affaires viable. Il faut que quelqu'un, quelque part, accepte de payer ces pertes. Pour le moment, c'est ce qu'on nous demande de faire », a-t-on résumé dans les rangs libéraux.

Le quotidien The Globe and Mail rapportait vendredi que Delta avait obtenu une réduction importante du prix au catalogue pour les 75 appareils. Le transporteur paierait chaque avion environ 25 millions, alors que le prix établi au catalogue est de 72 millions - une réduction de 65 %.

Chose certaine, les dirigeants de Bombardier, et le premier ministre Philippe Couillard, soutiennent que la décision de Québec d'investir plus de 1 milliard de dollars a été déterminante pour convaincre Delta d'acheter des appareils. Un investissement à peu près équivalent du gouvernement fédéral permettrait de renforcer la confiance des acheteurs potentiels envers la C Series, selon Pierre Bellemare, PDG de Bombardier.

Dans les rangs libéraux, on refuse par ailleurs de s'imposer un échéancier artificiel. On rejette aussi le jeu des comparaisons entre l'aide fournie par Ottawa au secteur automobile en Ontario dans la foulée de la crise économique mondiale et la situation de Bombardier.

« Ce sont deux choses complètement différentes. D'abord, il y avait une grave crise économique. Le gouvernement de l'Ontario a investi, et cela a été coordonné avec le gouvernement des États-Unis. La structure de GM est aussi différente. Alors, on ne peut pas faire de comparaisons », affirme-t-on.

Existe-t-il une autre façon de soutenir les activités de Bombardier qu'un investissement direct, comme l'a fait Québec ? Le gouvernement fédéral examine ce que font les États-Unis pour soutenir Boeing et ce que font les pays de l'Europe pour aider la cause d'Airbus. « On regarde ce qui se fait ailleurs », affirme-t-on. Notons tout de même au passage que le gouvernement canadien n'a pas les mêmes moyens financiers que les États-Unis ou encore les pays européens mis ensemble.

LE TRAIN ÉLECTRIQUE VU D'UN BON OEIL

Le gouvernement Trudeau voit d'un très bon oeil le projet de la Caisse de dépôt visant à doter la métropole d'un train électrique de 24 stations qui desservirait Montréal, l'aéroport, la couronne nord et la Rive-Sud. De passage à Montréal afin de participer au congrès de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada, le premier ministre Justin Trudeau a soutenu qu'Ottawa est vivement intéressé par ce projet évalué à 5,5 milliards. « C'est le genre de projet dans lequel nous avons hâte d'investir », a affirmé le premier ministre après avoir livré un discours devant quelque 500 militants libéraux. La Caisse de dépôt a annoncé il y a deux semaines qu'elle compte investir 3 milliards pour mener à bien ce projet - qui est actuellement le plus ambitieux sur les planches à dessin d'une grande ville canadienne. Le patron de la Caisse, Michael Sabia, a fait savoir que le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral seront invités à financer le reste.