Les libéraux de Justin Trudeau ont sous-estimé d'environ 1,2 milliard de dollars le coût total annuel de la baisse d'impôt promise aux contribuables de la classe moyenne.

Cela n'a pas empêché le ministre des Finances, Bill Morneau, d'annoncer que le gouvernement libéral ira de l'avant avec sa promesse électorale de faire passer de 22,0 à 20,5% le taux du deuxième palier d'imposition (revenus imposables de 45 282 à 90 563$) pour les particuliers et de créer une nouvelle tranche d'imposition de 33% pour ceux dont le revenu dépasse 200 000$. Il a déposé lundi une motion de voies et moyens aux Communes qui sera votée dès demain de sorte que les changements fiscaux puissent entrer en vigueur le 1er janvier 2016.

En campagne électorale, les libéraux avaient promis que la baisse d'impôt accordée aux contribuables de la classe moyenne serait entièrement financée par une hausse du fardeau fiscal des particuliers mieux nantis qui empochent un salaire annuel de 200 000$ et plus.

Or, les calculs du ministère des Finances démontrent que cela ne sera pas le cas. En effet, la réduction du fardeau fiscal privera le fisc d'environ 3,4 milliards en revenus, tandis que la majoration des impôts pour les contribuables plus fortunés rapportera à l'État 2,0 milliards.

En ramenant de 10 000 à 5500$ la limite annuelle de la cotisation à un compte d'épargne libre d'impôt (CELI), comme les libéraux l'avaient promis, en rajustant le crédit d'impôt pour les dons de bienfaisance et en révisant les taux des impôts remboursables sur le revenu de placement des sociétés privées, le gouvernement Trudeau va chercher plus de revenus en 2016-2017.

Le manque à gagner total pour concrétiser cette promesse électorale s'élève donc à environ 1,2 milliard de dollars par année pour les cinq prochains exercices financiers.

«Notre gouvernement s'est engagé à investir pour assurer la croissance de notre économie, renforcer la classe moyenne et aider les gens qui travaillent fort pour qu'ils en fassent partie. Nous avons pris l'engagement de fournir une aide directe à ceux qui en ont le plus besoin. L'annonce d'aujourd'hui constitue une étape importante en ce qui concerne le respect de ces engagements», a affirmé le ministre Bill Morneau en conférence de presse.

En tout, 9 millions de contribuables auront droit à une réduction moyenne de 330$ par année - l'allègement fiscal maximal s'élèvera à 679$ par particulier. Dans le cas d'une famille dont les deux conjoints travaillent, la baisse d'impôt moyenne sera de 540$ et pourrait atteindre un maximum de 1358$ par année.

Selon les données du ministère des Finances, on compte environ 319 000 contribuables qui empochent 200 000$ et plus et qui verront donc le fisc fédéral puiser davantage dans leurs poches en 2016.

Le ministre Morneau a indiqué que le gouvernement Trudeau faisait preuve de «transparence» en mettant sur les tables tous les chiffres de cette refonte du régime fiscal. «Ça va coûter un peu plus au gouvernement. Mais nous allons continuer à respecter nos engagements parce que nous savons que nous avons un niveau de croissance plus faible que dans le dernier budget et qu'il est nécessaire de faire des investissements», a-t-il plaidé.

Devant les journalistes, M. Morneau a refusé de réitérer la promesse des libéraux de limiter à 10 milliards de dollars les déficits prévus durant les deux premières années d'un mandat libéral. Il a toutefois indiqué à nouveau son intention de présenter un budget équilibré en 2019-2020.

L'opposition rugit

Avant même l'annonce du ministre Morneau, les partis de l'opposition décriaient ces changements qui, selon eux, favoriseront davantage les mieux nantis et provoqueront l'explosion des déficits. «Lors de la campagne électorale, le premier ministre s'est engagé à ne pas présenter de déficit de plus de 10 milliards de dollars. Ensuite, s'il y avait des changements au type d'imposition, cela allait profiter à tous les Canadiens. Malheureusement, les Canadiens se réveillent aujourd'hui avec la réalité: cela ne tiendra pas. Ces promesses sont irréalisables et irréalistes», a lancé le député conservateur Gérard Deltell.

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a pour sa part déploré qu'environ 70% des Canadiens ne toucheront pas un cent avec ces mesures fiscales. «Ce sont surtout les gens les mieux nantis qui vont bénéficier des réductions proposées par les libéraux.»