Un avocat de Vancouver qui souhaite que la Cour fédérale oblige Stephen Harper à combler les sièges vacants au Sénat est prêt à retirer sa plainte si le premier ministre demande à la Cour suprême de se prononcer sur la validité constitutionnelle de ce «moratoire».

Aniz Alani promet même d'assumer les frais déjà engagés dans sa requête en Cour fédérale si M. Harper décide de renvoyer la question en Cour suprême.

Le premier ministre a indiqué vendredi dernier qu'il imposait un moratoire sur toute nomination de nouveaux sénateurs, confirmant ainsi une pratique déjà observée depuis deux ans et demi. Il y a actuellement 22 sièges vacants sur 105 au Sénat, la chambre haute du Parlement, qui est secouée par des scandales relativement aux dépenses de certains de ses membres, non élus. M. Harper est partisan d'une réforme majeure du Sénat, voire de son abolition pure et simple.

Me Alani a demandé à la Cour fédérale de statuer qu'en vertu de la Constitution, le premier ministre a l'obligation de combler dans un délai raisonnable les sièges vacants au Sénat. Le gouvernement Harper a d'entrée de jeu demandé à la Cour de rejeter cette requête, mais le juge Sean Harrington a refusé, et le fédéral en appelle de cette décision.

Comme cette cause risque ainsi de s'éterniser en requêtes et appels, Me Alani soutient qu'un renvoi en Cour suprême constituerait la voie la plus rapide et la moins coûteuse pour régler le problème sur le fond - la nomination de sénateurs dans un délai raisonnable.

«À mon avis, le moratoire du premier ministre sur les nominations au Sénat est tout aussi invalide (...) que s'il décrétait la fin du bilinguisme officiel au Canada (...) sans respecter la procédure de modification constitutionnelle», plaide Me Alani dans une lettre aux procureurs du ministère de la Justice.

À la suite d'un renvoi du gouvernement Harper, la Cour suprême a déjà statué l'an dernier que toute réforme du Sénat nécessitait une modification de la Constitution qui exigerait le consentement d'au moins sept provinces représentant 50 pour cent de la population. L'abolition du Sénat, elle, exigerait le consentement unanime des provinces.

La Cour suprême a par ailleurs indiqué que le refus du premier ministre de nommer de nouveaux sénateurs ne peut durer éternellement, et que le Sénat ne peut être aboli d'une manière détournée, petit à petit, par attrition. M. Harper a expliqué vendredi qu'il souhaitait ainsi forcer les provinces à dénouer l'impasse entre elles, ou à convenir que l'abolition du Sénat constitue la seule avenue possible.

Vendredi dernier, M. Harper soutenait qu'en vertu de la Constitution, le premier ministre a toute «autorité pour nommer ou non» des sénateurs, et il a promis de ne pas combler les sièges vacants au Sénat tant que son gouvernement pourra faire adopter ses lois aux Communes.

Me Alani, lui, plaide qu'en vertu de la Constitution, le gouverneur général «remplira la vacance quand un siège deviendra vacant au Sénat par démission, décès ou toute autre cause». Or, par tradition au Canada, le gouverneur général exerce ce pouvoir sur recommandation du premier ministre.