Un changement de règles et des mentalités s'impose pour corriger la manière dont l'argent des contribuables est dépensé au Sénat, recommande le vérificateur général dans son rapport très attendu rendu public mardi.

Michael Ferguson conclut dans le document de 130 pages que 30 sénateurs ont contrevenu ou semblent avoir contrevenu aux règles en vigueur pendant la période couverte par sa vérification, du 1er avril 2011 au 31 mars 2013.

Il recommande que le dossier de 9 d'entre eux, dont le sénateur québécois Pierre-Hugues Boisvenu, soit transféré «à d'autres autorités, telles que la Gendarmerie royale du Canada». Le dossier des 21 autres devrait être examiné par le comité de régie interne de la Chambre haute, selon lui. Un arbitre a été nommé par ce comité pour faire ce travail.

Le rapport donne des détails sur les cas individuels de ces sénateurs pointés du doigt, au sujet desquels de nombreuses informations avaient déjà filtré dans les médias au cours des derniers jours.

Les dépenses relevées par le vérificateur incluent des frais de résidence « secondaire » dans la région d'Ottawa alors qu'une sénatrice libérale à la retraite, Rose-Marie Losier-Cool n'a passé que 16 jours sur 448 à sa résidence « principale » de Moncton.

Le sénateur conservateur retraité Don Oliver et son épouse ont réclamé des remboursements de 11 252 $ pour des frais de voyages personnels, selon le vérificateur, qui incluent une partie de golf à Montréal avec des anciens sénateurs, un voyage de pêche et des rencontres avec un membre de la famille et un tailleur.

Les montants identifiés par le vérificateur vont de quelques milliers de dollars à plus de 175 000 $ dans le cas du sénateur libéral à la retraite Rod Zimmer.  

« Nous avons constaté que la surveillance, la reddition de comptes et la transparence à l'égard des dépenses des sénateurs n'étaient tout simplement pas adéquates », a conclu le vérificateur Ferguson après avoir passé en revue plus de 80 000 éléments portant sur 45 millions de dollars en dépenses par les sénateurs actifs durant cette période.  

«Les faiblesses et les problèmes relevés au cours de cet audit exhaustif des dépenses des sénateurs justifient une transformation de la manière dont se font les remboursements et dont les dépenses sont gérées, surveillées et contrôlées», a-t-il ajouté.

En plus d'une analyse personnalisée des 30 dossiers individuels, le vérificateur présente plusieurs constats sur la manière dont les dépenses sont faites et vérifiées à la Chambre haute.

Il a notamment souligné une surveillance inadéquate des dépenses au bureau du président du Sénat; le manque d'égards par certains sénateurs pour choisir une option moins coûteuse pour les contribuables; des renseignements souvent insuffisants pour justifier certaines dépenses; et une divulgation publique insuffisante.

Michael Ferguson recommande entre autres la création d'un nouvel organe de surveillance et d'une meilleure divulgation des détails concernant les dépenses des sénateurs sur le site internet de la Chambre haute.

Les autorités du Sénat ont promis d'agir rapidement pour améliorer la surveillance et l'encadrement des dépenses au Sénat. Mais le président de l'institution, Léo Housakos, et le leader des sénateurs libéraux, James Cowan, n'ont pas été en mesure de s'engager fermement à mettre en oeuvre toutes les recommandations, puisque des discussions devront avoir lieu sur la suite des choses.

Parmi les neuf dossiers les plus graves, deux des sénateurs visés siègent encore au Sénat : Pierre-Hugues Boisvenu et Colin Kenny. Leur dossier a été référé à la GRC vendredi et au Comité de discipline du Sénat pour que le Conseiller en éthique fasse enquête et détermine les sanctions qui peuvent s'appliquer, dont une possible suspension.

Le sénateur Boisvenu a quitté le caucus conservateur la semaine dernière.

Dix-huit des 30 sénateurs nommés dans le rapport siègent toujours au Sénat.

Les 21 autres sénateurs auront le choix entre rembourser les sommes visées ou soumettre leur dossier à l'ancien juge de la Cour suprême du Canada, Ian Binnie, l'arbitre nommé pour trancher leurs désaccords avec les conclusions du vérificateur général.