Depuis 2010, au moins 125 fonctionnaires ou aspirants fonctionnaires ont été pris en flagrant délit de fraude ou de conduite irrégulière pour obtenir un poste au gouvernement fédéral, selon des documents obtenus par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information. Et près de la moitié des cas proviennent du Conseil du Trésor.

C'est une enquête de la Commission de la fonction publique (CFP) qui a permis de découvrir les problèmes de fraude liés à un examen du Conseil du Trésor en 2011 et 2012. Dans un concours externe visant à pourvoir 100 postes dans différents ministères, 714 candidats avaient fait l'examen en ligne à la maison. En tout, 57 personnes ont vu leur candidature rejetée parce qu'ils avaient copié les réponses sur l'internet.

Interrogé au sujet de cette brèche, le Conseil du Trésor maintient que les directives aux participants étaient claires, affirme Kelly James, responsable des communications au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, qui confirme que ce type d'examen en ligne sans supervision est encore utilisé.

La tricherie aux examens et particulièrement le plagiat sur l'internet sont l'objet d'une grande part des enquêtes de la CFP visant quelque 200 à 250 fonctionnaires de 79 bureaux ou ministères.

Cela s'explique notamment par le recours de plus en plus important aux examens en ligne pour des raisons de logistique et de coûts. «La fonction publique est un employeur de choix, des gens veulent se dévouer pour la société, il y a de bonnes conditions, de bons salaires, une forme de stabilité, une caisse de retraite, alors beaucoup de gens postulent», explique Jacques Bourgault, professeur associé à l'ENAP et à l'UQAM.

Parmi les cas de fraude, il y a par exemple celui d'un fonctionnaire qui, dans un concours interne, a utilisé son temps de préparation lors d'une entrevue pour téléphoner à un collègue afin de lui demander de l'aider à répondre aux questions.

Plus troublant, en 2012, une gestionnaire d'embauche à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a muté une personne afin d'offrir ce poste à son propre fils. Et pour être certain que fiston réussisse l'examen, elle lui a même donné accès au matériel d'évaluation au préalable.

Les sanctions peuvent varier de l'obligation de suivre des séances de formation sur l'éthique à la suspension des pouvoirs de nomination pour une personne en autorité ou à la révocation de la nomination.

UN PROCESSUS À REVOIR

Selon M. Bourgault, ces données ne sont pas particulièrement alarmantes, mais il croit tout de même que quelques changements devraient être apportés au processus de sélection des candidats.

M. Bourgault a d'ailleurs fait partie d'un comité chargé d'analyser les processus d'enquête de la CFP, l'automne dernier. Si le nombre de fraudes et d'inconduites est bas, le comité, dont La Presse a obtenu le rapport, souligne toutefois que le nombre total d'enquêtes est «minime» en regard de celui des embauches et des nominations. Les enquêtes sont aussi très longues, en moyenne 386 jours pour le traitement d'un dossier.

Outre la clarté des directives, qui pourrait aussi être améliorée, les questions d'examens ainsi que leurs objectifs devraient aussi être revus à l'heure où de plus en plus d'examens se déroulent en ligne et où une grande quantité d'information est accessible sur internet, croit le professeur.

L'Alliance de la fonction publique, qui représente environ 170 000 fonctionnaires, a refusé de prendre position sur cette situation.

- Avec William Leclerc