Le chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau, a finalement présenté ses excuses à la communauté ukrainienne mardi midi pour des propos tenus à l'émission Tout le monde en parle dimanche.

M. Trudeau a fait cette annonce sur Twitter, quelques minutes après avoir été critiqué par l'ambassadeur de Russie au Canada, plus de 12 heures après avoir subi les foudres de l'ambassadeur de l'Ukraine et après 24 heures de tirs soutenus de ses adversaires politiques, en particulier des conservateurs.  

« Je viens de discuter avec Paul Grod », a-t-il écrit à partir de son compte Twitter. M. Grod est le président du Congrès des Ukrainiens-Canadiens.  « Je lui ai dit que j'étais désolé d'avoir abordé à la légère la réelle menace que la Russie pose sur l'Ukraine. »

Dimanche, le chef du Parti libéral du Canada (PLC) a lancé à la blague qu'il s'inquiétait de la situation en Ukraine, « surtout puisque la Russie a perdu au hockey, ils vont être de mauvaise humeur. On craint l'implication russe en Ukraine ».

Il a ensuite précisé qu'il s'agissait d'une blague pour « amener une optique un peu légère dans une situation qui est extrêmement sérieuse, extrêmement troublante ». Il a demandé au gouvernement Harper d'en faire davantage pour aider le pays. 

Les conservateurs ont sauté sur l'occasion pour critiquer le chef du PLC et au moins trois ministres ont dénoncé « les commentaires désinvoltes et insensibles de Justin Trudeau ». Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a lui aussi fustigé les propos de M. Trudeau.

Le premier ministre Stephen Harper en a remis mardi matin en annonçant qu'il rencontrerait des membres de la vaste communauté canado-ukrainienne en après-midi, en compagnie de députés et sénateurs conservateurs d'origine ukrainienne.

L'un de ses députés conservateurs a réclamé la tenue d'un débat d'urgence à la Chambre des communes mercredi soir sur la situation en Ukraine.

Critiques diplomatiques

Mais les critiques ont débordé de l'arène politique partisane et ont trouvé écho depuis hier au sein de la diplomatie étrangère dans la capitale fédérale.

Lors d'une conférence de presse à Ottawa mardi, l'ambassadeur de la Russie au Canada, Georgiy Mamedov a déclaré qu'il ne voulait pas commenter les questions de politique interne du Canada. Il a néanmoins condamné en termes peu équivoques les blagues faites par M. Trudeau.

« Nous ne sommes pas l'OTAN, ce n'est pas la Libye, vous ne verrez pas de troupes russes en Ukraine. Quiconque discute des rumeurs sur une intervention militaire russe en Ukraine insulte l'intelligence du public canadien. Point final », a tranché M. Mamedov.

« C'est notre position. Et vous allez vous arranger avec M. Trudeau et tous les autres », a-t-il ajouté à l'intention des journalistes. 

La veille, l'ambassadeur de l'Ukraine au Canada avait demandé au chef libéral de s'excuser. « Les blagues sont inappropriées ces jours-ci, tandis que nous avons des centaines [de] personnes [mortes] », a-t-il dit sur les ondes de CBC.

Excuses acceptées

M. Trudeau s'est rendu à l'ambassade d'Ukraine mardi avant-midi pour signer le livre des condoléances et discuter de la situation. L'ambassadeur Vadym Prystaiko, qui a été nommé par le président déchu Viktor Yanukovich, s'est dit satisfait de la discussion.

« Tous les politiciens, de temps à autre, peuvent faire des erreurs, a dit M. Prystaiko. Je suis satisfait de tout ce qu'il a dit. Il a parlé comme on peut s'attendre d'un politicien canadien et du chef du Parti libéral. »

Paul Grod du Congrès des Ukrainiens-Canadiens a lui aussi accepté les excuses du chef libéral. « Il a exprimé son soutien et celui de son parti pour les manifestants en Ukraine et abordé ce qu'il a appelé le 'cirque' médiatique'. Il a dit qu'il le regrettait... J'ai peut-être utilisé le mot 'gaffe' et il ne s'est pas rebiffé. Il a exprimé ses regrets, que c'était un mauvais choix de mots, qu'il s'excuse pour son erreur et qu'il veut que nous comprenions que son Parti libéral appuie entièrement le peuple de l'Ukraine. »

Cité hors contexte

Les derniers tweets du chef libéral sont ses premières réactions depuis le début de la tempête politique déclenchée par son apparition à la populaire émission québécoise.  

Jusqu'ici, la défense du chef avait été laissée à des députés, dont Marc Garneau, qui a accusé les conservateurs de le citer hors contexte et réitéré l'importance de la situation pour le Parti libéral. Il avait aussi affirmé que Justin Trudeau ne devrait pas présenter ses excuses.

« Si on écoute tout le programme et tout ce qu'il a dit et tout ce que nous avons fait jusqu'à présent, en commençant au mois de décembre avec un débat que nous avons provoqué, avec la résolution d'urgence que nous avons adoptée [dimanche] à notre congrès, il est très, très clair que le Parti libéral est extrêmement sérieux vis-à-vis la situation en Ukraine », a déclaré M. Garneau lundi.

Ce n'est pas la première fois que des propos de M. Trudeau sur des dossiers internationaux sèment la controverse. Les conservateurs l'avaient sévèrement critiqué, il y a quelques mois, lorsqu'il avait déclaré son admiration pour la capacité du régime chinois à mettre en oeuvre ses politiques rapidement.

Les troupes de Stephen Harper cherchent à dépeindre Justin Trudeau depuis son élection à la tête du Parti libéral du Canada comme un chef qui manque d'expérience et de jugement, et qui n'est pas à la hauteur pour diriger le Canada.

On comptait 1,3 million de personnes d'origine ukrainienne au Canada en 2011, ce qui en fait l'un des groupes les plus importants au pays. C'est au Canada qu'on retrouverait le plus grand nombre d'Ukrainiens à l'extérieur de l'Ukraine et de la Russie.  

On comptait 1,3 million de personnes d'origine ukrainienne au Canada en 2011, ce qui en fait l'un des groupes les plus importants au pays. C'est au Canada qu'on retrouverait le plus grand nombre d'Ukrainiens à l'extérieur de l'Ukraine et de la Russie.