L'Association belge des victimes de l'amiante (ABEVA) implore les gouvernements de Stephen Harper et de Jean Charest de cesser de soutenir l'industrie de l'amiante au Québec, laquelle a déjà, selon elle, fauché trop de vies.

Dans une récente lettre expédiée aux deux premiers ministres, le coprésident de l'ABEVA Éric Jonckheere affirme que les producteurs d'amiante du Québec induisent les gens en erreur lorsqu'ils affirment qu'il existe une utilisation «sécuritaire» de ce produit.

À preuve, affirme M. Jonckheere dans sa lettre obtenue par La Presse, sa famille a été décimée par des maladies causées par l'exposition à ce produit.

Dans sa lettre, il précise que son père, Pierre Jonckheere, a longtemps été ingénieur à la multinationale Eternit, qui s'est procuré de l'amiante pendant des décennies au Québec. Il s'est éteint en 1986, à l'âge de 59 ans, un an seulement après avoir été mis en arrêt de travail après l'apparition d'un mésothéliome, une forme rare et virulente de cancer causée par l'exposition à des fibres minérales comme l'amiante.

Trois autres membres de sa famille - sa mère, Françoise, et ses deux frères, Pierre-Paul et Stéphane - ont succombé à la même maladie au cours des dernières années, même s'ils n'ont jamais travaillé chez Eternit. Pourtant, cette société «garantissait la sécurité dans l'utilisation de son amiante».

L'industrie de l'amiante du Québec tente de relancer ses activités en exportant son produit dans les pays émergents comme l'Inde. Les dirigeants de cette industrie, tout comme le ministre de l'Industrie, Christian Paradis, soutiennent qu'il est possible d'utiliser ce produit de manière sécuritaire.

«Tout comme les dirigeants d'Eternit, les producteurs d'amiante du Québec osent prétendre qu'il existe une utilisation «sécuritaire». Cette sécurité fut bafouée chez nous, comment l'assurer dans les pays émergents? L'amiante tue! J'en sais quelque chose et il est impossible de garantir son utilisation en toute sécurité!», écrit M. Jonckheere dans sa missive.

Verdict favorable aux victimes

Avant sa mort, Françoise Jonckheere a intenté une poursuite contre la firme Eternit pour négligence. Ses enfants ont continué la bataille judiciaire après sa mort, en 2000. En novembre dernier, un tribunal de Bruxelles a rendu un verdict favorable à la famille et a condamné Eternit à lui verser 250 000 euros en guise de dédommagement parce qu'elle a fait preuve de «négligence» et de «cynisme» envers les victimes de l'amiante en minimisant les dangers de ce produit.

«Ce jugement est historique! De part et d'autre de l'Atlantique, les mensonges et la désinformation sont identiques. J'ose croire qu'au final, vous agirez en faveur du bien-être et de la santé des populations, et non pour la santé des portefeuilles des exploitants des mines», affirme M. Jonckheere.

Récemment, des membres d'ABEVA ont organisé une manifestation devant la délégation générale du Québec à Bruxelles pour faire pression sur le gouvernement de Jean Charest. «Québécois, garde ton amiante chez toi!», «La Belle Province, belle SANS amiante», «Québécois, réveille-toi, ton amiante tue!», pouvait-on lire sur certaines affiches.

Il y a deux semaines, La Presse a rapporté que les députés conservateurs, en particulier ceux de l'extérieur du Québec, sont de plus en plus mal à l'aise quand ils voient le gouvernement Harper défendre bec et ongles l'industrie de l'amiante au pays.

Le malaise est tel que si l'occasion se présente de nouveau à la Chambre des communes, plusieurs députés n'hésiteront pas à voter pour une motion interdisant la vente de ce produit.