Le projet de loi conservateur destiné à augmenter le nombre de députés à la Chambre des communes a été reporté, mais pas écarté. C'est la nuance qu'a tenu à apporter le premier ministre Stephen Harper, vendredi, à Peterborough en Ontario.

Stephen Harper a ainsi réitéré son engagement électoral du printemps dernier de corriger la représentation de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique à la Chambre des communes, afin de refléter leur croissance démographique.

Le leader du gouvernement, Peter Van Loan, avait pourtant annoncé il y a moins d'un mois que le projet serait présenté avant Noël. Cet objectif a été revu, afin d'éviter d'exacerber les susceptibilités du Québec, qui y voyait une manière de diluer sa présence à Ottawa.

Dans la version précédente du projet de loi, nommé C-12, le gouvernement proposait de faire passer de 308 à 338 le nombre de députés à Ottawa. Les nouveaux sièges auraient été principalement concentrés dans les trois provinces de l'Ouest.

«Nous allons augmenter la représentation de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta pour refléter l'augmentation de leurs populations», a ainsi indiqué le premier ministre.

Benoît Pelletier, professeur titulaire à l'Université d'Ottawa, reconnaît que la question démographique justifie un redécoupage et une bonification du nombre d'élus puisque la situation est défavorable à certaines provinces.

«On ne pourra pas continuer à fonctionner avec la formule actuelle parce qu'elle pose un préjudice beaucoup trop grand aux provinces comme l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario dont la population croît», explique Benoît Pelletier.

Patrick Daoust, président de l'Association pour la revendication des droits démocratiques (ARDD), constate aussi qu'en fonction du système actuel, la carte électorale est établie en fonction de la démographie et qu'effectivement, la population augmente dans l'Ouest.

«C'est purement une décision politique que de remettre la modification de la carte électorale. Ça se maintient, l'Ouest gagne en poids démographique et cette tendance n'est pas en train de se renverser, mais va au contraire s'accentuer», a-t-il affirmé.

Ce faisant par contre, l'ARDD redoute que le fossé ne se creuse encore davantage entre l'Est et l'Ouest du Canada. Une telle situation risque de perdurer, tant que des éléments de proportionnalité n'auront pas été inclus au mode de scrutin.

«Il y a une surreprésentation des conservateurs dans l'Ouest canadien par rapport au vote populaire, ce qui amène une perception d'un clivage culturel plus grand qu'il ne l'est réellement, puisque dans les pourcentages de vote, il y a tout de même un support important pour les autres partis politiques», ajoute M. Daoust.

Même justifié par des arguments autres qu'une stratégie politique, le projet des conservateurs déplaît. Cette proposition impopulaire au Québec a déjà donné lieu à des échanges à l'Assemblée nationale où trois motions ont été adoptées pour exhorter Ottawa à ne pas diminuer le poids de la province aux Communes, où siègent actuellement 75 députés du Québec sur 308 élus.

Benoît Pelletier estime que le Québec pourrait chercher à faire valoir sa spécificité pour éviter de voir sa représentation fondre à la Chambre des communes.

«Des gens au Québec plaident pour que le Québec soit surreprésenté et ait droit à une plus forte représentation que celle à laquelle il a droit. Sur le fait que les Québécois forment une nation et que c'est la société sur laquelle repose, pour l'essentiel, le destin de la langue française en Amérique du Nord», a soutenu M. Pelletier.

Le premier ministre Harper semblait avoir une réponse toute prête à cette argumentation. En promettant de régler la question de la représentation démographique, il a aussi voulu rassurer les autres collectivités canadiennes.

Il a ainsi dit vouloir «protéger le nombre de sièges des plus petites provinces et garder la représentation proportionnelle du Québec».