Pour son premier événement à Montréal en avril, le Réseau Liberté-Québec invitera Danielle Smith, chef du Wildrose Alliance Party. Un nouveau parti à droite de la droite conservatrice. Et qui pourrait bientôt accéder au pouvoir. Portrait d'une chef dont les racines se situent quelque part entre Friedrich Hayek et «l'éthique du cowboy».

Avant sa déconfiture aux élections de 2006, on qualifiait le Parti libéral du Canada de natural governing party. En Alberta, un tel parti existe toujours. En 1971, les conservateurs ont mis fin à 36 ans de règne du Crédit social. Et ils gouvernent encore. Depuis trop longtemps, estime Danielle Smith.

Selon la chef du Wildrose Alliance, le pouvoir est devenu une finalité pour les conservateurs. Ils auraient perdu leur identité. Son parti a même qualifié le pourtant très conservateur ministre des Finances, Ted Morton, de «Ted the Red». Rouge comme dans libéral, ce qui dans son monde pourrait ressembler à une variante du mal.

«L'année dernière, les sables bitumineux et les autres ressources naturelles nous ont rapporté quelque 8 milliards. C'était un sommet historique. Mais le gouvernement a quand même réussi à enregistrer un déficit de 7,5 milliards (chiffre contesté)», raconte-t-elle en anglais au cellulaire, en voiture dans l'Alberta rural.

Ses assises se trouvent toutefois dans la capitale financière, à Calgary. Mme Smith a étudié en économie dans ce qu'on appelle l'école de Calgary. Un de ses professeurs était le mentor de Stephen Harper, Tom Flanagan. Il la conseille désormais. «On est assez proches, c'est lui qui m'a trouvé mon poste à l'Institut Fraser», raconte-t-elle.

Danielle Smith a ensuite été chroniqueuse au Calgary Herald et animatrice à Global avant de s'engager dans le Wildrose Alliance. Cette jeune formation est née en 2007 de la fusion du Wildrose Party et de l'Alliance Party. L'année suivante, le Wildrose récoltait seulement 7% des votes. Mais grâce à trois transfuges et à une victoire dans une élection complémentaire, le parti compte maintenant quatre députés.

En 2009, le Wildrose trônait même dans les intentions de vote. Mais, selon le plus récent sondage d'Environics, le parti récolte maintenant 24% des intentions de vote, derrière les conservateurs (36%). «Ils sont bien placés pour former l'opposition officielle aux élections de 2012. Ça pourrait leur servir de tremplin pour gagner les élections suivantes», estime Frédéric Boily, politologue à l'Université de l'Alberta et auteur de l'essai Le conservatisme au Québec.

Le Wildrose doit attendre impatiemment les prochains sondages. Car en politique albertaine, le dernier mois a ressemblé à une année complète. Le chef de l'opposition, le libéral David Swan, a quitté son poste et le premier ministre, Ed Stelmach, a annoncé qu'il ne briguerait pas un autre mandat. «Ça rend les prédictions difficiles», observe M. Boily.

Peu importe qui sera son nouveau chef, le Parti conservateur devrait rester un peu à gauche du Wildrose. Mme Smith critique les subventions de deux milliards accordées aux gros pollueurs locaux pour qu'ils diminuent leurs émissions de gaz à effet de serre. Les subventions aux entreprises l'hérissent, tout comme les mesures environnementalistes trop «draconiennes». «Je ne nie pas les changements climatiques, souligne-t-elle. Je pense toutefois que les impacts seront moins rapides et surtout moins graves qu'on ne le dit.»

Quelle droite?

Charismatique, jolie et joviale, la femme de 39 ans utilise le rire comme un point pour terminer ses phrases. Certains l'ont déjà comparée à Sarah Palin. Mais le parallèle est injustifié. La politicienne reste neutre sur les questions morales. «Mon approche, c'est le vivre et laisser vivre», résume-t-elle.

Ce qui ne signifie pas qu'elle n'a pas d'opinions. Elle s'affiche pro-choix et pour le mariage gai. Mais seulement dans sa vie privée. «Notre parti ne traite pas de ces sujets, car ce sont des compétences fédérales, justifie-t-elle. Et honnêtement, ça nous aide à rester unis.»

Le Wildrose est une coalition de conservateurs économiques et sociaux. La droite morale provient surtout du sud de l'Alberta, où se sont implantés les immigrants du Midwest américain au début du XXe siècle. Les vagues d'immigration suivantes provenant de l'Europe de l'Est ont ensuite gonflé ce groupe. «Je pense toutefois qu'on exagère leur importance, nuance le professeur Boily. Ils sont visibles dans la politique, bien sûr, mais ils ne sont pas si nombreux ou influents.»

Mme Smith n'a peut-être pas une vision morale du politique, mais elle a des principes. L'État ressemble pour elle à un mal nécessaire. «En fait, je crois à la responsabilité individuelle, indique-t-elle. C'est une idée assez albertaine, que le reste du pays méconnaît», dit la conjointe d'un cadre de Sun TV.

D'où vient cette idée? «Il y a peut-être une certaine éthique héritée des cowboys, réfléchit-elle. Ils n'avaient pas le choix, ils devaient se fier à eux-mêmes. Ça devenait aussi une question de fierté pour eux.» Le Wildrose propose plus une méritocratie qu'un État providence. «Cela ne signifie pas qu'on ne s'occupe pas des moins fortunés, soutient-elle. On le fait juste différemment. C'est aux citoyens de s'engager eux-mêmes dans leur communauté, de faire du bénévolat. Chacun doit faire sa part.»