Même si Stephen Harper et le président américain Barack Obama se rencontrent vendredi et qu'il est de plus évident qu'ils discuteront de la création d'un périmètre de sécurité entre les deux pays, le gouvernement canadien continue de garder le silence à ce sujet.

Mercredi, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, pourtant directement visé, a refusé de préciser si le périmètre allait être un sujet chaud entre le président et le premier ministre, ni même si des questions de sécurité allaient être abordées.

Au sortir du caucus de son parti, il s'est contenté de répondre que les deux hommes allaient traiter d'une foule de sujets.

«Je ne vais pas présumer de quoi ils vont discuter», a-t-il lancé.

Mais il a tout de même eu cet avertissement, qui laisse entrevoir l'état d'esprit du gouvernement sur un possible périmètre de sécurité.

«Si on veut continuer de profiter de notre relation économique enviable avec les Américains, la sécurité est un sujet qui doit réellement être abordé, car sinon, notre reprise économique est en danger», a-t-il affirmé.

Les partis d'opposition ont fait front commun mercredi pour dénoncer le secret qui entoure ces négociations.

Ils réclament un débat en bonne et due forme à la Chambre des communes.

Sans succès, jusqu'à maintenant.

Le premier ministre Stephen Harper a lui aussi évité mardi de répondre aux Communes à une question portant sur les négociations entourant le présumé périmètre, tout comme l'a fait mercredi, la ministre d'État des Affaires étrangères, Diane Ablonczy, déléguée pour répliquer à l'opposition.

L'exaspération des députés d'opposition a été ravivée mercredi alors qu'il a été rapporté dans le quotidien Globe & Mail que MM. Harper et Obama devraient annoncer, vendredi à Washington, la mise sur pied d'un groupe de travail qui devra définir en quelques mois de nouvelles politiques frontalières afin d'en améliorer la sécurité et de faciliter le passage des personnes et des biens.

Ce qui confirme les craintes des partis d'opposition qui soupçonnaient que les pourparlers étaient déjà entamés.

Ils exigent que les détails de l'entente envisagée soient dévoilés.

Le Canada et les États-Unis seraient ainsi sur le point d'apporter les plus importants changements dans la gestion de la frontière qui les sépare depuis l'adoption de leur traité de libre-échange, en 1988.

Si conclue, cette entente de périmètre de sécurité risque fort d'obliger le Canada à échanger des renseignements et à harmoniser les réglementations avec les États-Unis qu'il s'agisse de céréales ou d'avions de chasse, ont fait valoir mercredi les libéraux.

Au Canada, ce possible partage de renseignements de sécurité avec les États-Unis a suscité des préoccupations quant au respect de la vie privée des citoyens et aussi sur la souveraineté du pays.

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a par contre rassuré les Canadiens mercredi que les États-Unis n'envisageaient pas de leur imposer des visas pour leurs déplacements au sud de la frontière. Il en a reçu l'assurance de l'ambassadeur américain au Canada.

Cette crainte faisait suite aux propos du sénateur américain Joe Lieberman qui avait évoqué la possibilité d'exiger des visas aux Canadiens après le dépôt d'un rapport qui qualifiait - à nouveau - la frontière canado-américaine de «poreuse». Il y était également indiqué que seulement une petite portion de cette frontière était réellement «sécuritaire».

Mais sur le périmètre de sécurité, l'opposition n'apprécie pas d'être écartée des négociations.

Après avoir nié tout ce temps que le Canada était en train de négocier un périmètre avec les États-Unis, on apprend à deux jours d'une rencontre avec le président Obama que c'est bel et bien le cas, s'est insurgé mercredi le député libéral Bob Rae et porte-parole de son parti en matière d'Affaires étrangères.

Pour le chef libéral Michael Ignatieff, il est inadmissible que le Parlement et les Canadiens soient tenus dans l'ignorance sur ce que le Canada est en train de discuter.

«Vous avez le devoir, l'obligation de parler aux Canadiens sur ce que vous faites. Au lieu de ça, il (Stephen Harper) garde le secret. Il fait tout ça en cachette. Ça soulève des soucis, suspicion et des questions légitimes», a lancé le chef libéral.

M. Rae estime qu'une nouvelle entente de sécurité entre les deux pays peut avoir un impact majeur non seulement sur la population mais aussi sur l'économie car si la frontière devient encore plus difficile à franchir, les investisseurs pourraient choisir de s'installer aux États-Unis plutôt qu'au Canada.

Quant au chef néo-démocrate, il craint aussi qu'en raison des exigences contenues dans cette future entente avec les États-Unis, le Canada ne puisse plus faire ses propres lois comme il l'entend.

«On veut évidemment travailler avec nos amis aux États-Unis. Mais on ne veut pas compromettre notre capacité à déterminer nos propres politiques», a indiqué Jack Layton.

«Les Canadiens ont une certaine inquiétude par rapport à ce que M. Harper peut faire dans ces discussions. Est-ce qu'il va abandonner certains éléments clés de notre souveraineté?», a-t-il demandé.

Pour le chef bloquiste, maintenir un tel secret est une mauvaise tactique car elle encourage la méfiance des citoyens.

«On demande pas d'aller dans le détail parce qu'il y aura négociation mais de dire voilà nos objectifs, voilà ce dont on va discuter», a-t-il expliqué.

Les partis d'opposition s'étaient déjà insurgés contre les négociations du possible périmètre - qu'ils dénonçaient parce que secrètes - vers la fin de la dernière session, lorsque certains de ses éléments ont été découverts.