Michael Fortier ne savait rien des problèmes liés au contrat de rénovation de l'édifice de l'Ouest du parlement, ce n'est pas lui qui a pris la décision d'accorder ce contrat et il ne connaissait pas les protagonistes impliqués dans le dossier. Devant un comité des Communes, l'ancien ministre conservateur des Travaux publics, de 2006 à 2008, a nié être mêlé à la controverse entourant l'octroi d'un lucratif contrat et impliquant des allégations de lobbyisme illégal et de trafic d'influence.

En 2008, l'entreprise de l'homme d'affaires Paul Sauvé a obtenu un contrat du gouvernement fédéral de 9 millions de dollars pour la rénovation d'un édifice du parlement, avant que le contrat ne lui soit retiré l'année suivante après qu'il eut déclaré faillite. Mais une enquête de Radio-Canada et du quotidien GlobeandMail a révélé en octobre que l'entreprise LM Sauvé aurait fait affaire avec un lobbyiste non enregistré pour l'aider à obtenir ce contrat.

Depuis, les allégations de retour d'ascenseur se sont multipliées, impliquant plusieurs entrepreneurs en construction qui ont obtenu des contrats fédéraux et qui auraient contribué à la caisse du Parti conservateur. Les partis de l'opposition tentent, au comité des opérations gouvernementales, de faire toute la lumière dans le dossier depuis qu'ils ont appris que l'ancien ministre des Travaux publics, Christian Paradis, avait participé à un cocktail de financement du Parti conservateur à Montréal, organisé par Paul Sauvé en janvier 2009.

Or, c'est M.Fortier, son prédécesseur, qui était ministre au moment de l'attribution du contrat. «Au nombre de contrats très élevé qui sont octroyés par les Travaux publics, le ministre n'est pas au courant de tout, a expliqué ce dernier au comité. Est-ce que je savais que des contributeurs au parti, et à ma caisse électorale, étaient des gens qui avaient obtenu des contrats? Non.»

Bien qu'il admet avoir été tenu informé tous les deux ou trois mois de l'évolution des travaux de réfection du parlement, il affirme n'avoir pas été mis au courant des problèmes de l'entreprise LM Sauvé ni du fait que le contrat lui a finalement été retiré.

M.Fortier affirme aussi ne pas connaître Gilles Varin, qui a nié il y a deux semaines devant le même comité avoir fait du lobbyisme illégalement. M.Varin a facturé 118 000$ à LM Sauvé entre septembre 2007 et mars 2009 pour avoir agi, dit-il, à titre de «conseiller stratégique».

Responsabilité ministérielle

Ce témoignage de M.Fortier, qui a quitté la vie politique après avoir échoué à se faire élire au scrutin de 2008 (il avait été auparavant nommé sénateur par Stephen Harper et siégeait à titre de ministre non élu), n'a en rien tempéré la colère de l'opposition.

«Je suis restée estomaquée de voir que M.Fortier, qui était le ministre à l'époque, n'était pas du tout au courant de ce qu'on faisait avec l'argent dans son ministère, a lancé la députée Diane Bourgeois, du Bloc québécois. La réfection des édifices de la colline parlementaire, ce sont des contrats de plus de 5 milliards de dollars. Il est informé aux deux-trois mois de ce qui est dépensé, mais il vient nous dire ce matin qu'il ne sait rien. C'est incompréhensible.»

Qu'il ait su ou non ce qui se passait, le principe de responsabilité ministérielle devrait selon elle s'appliquer à M.Fortier, comme à tous les membres du gouvernement.

«Il y a quelque chose de pas correct qui s'est produit sous sa garde, a renchéri le député néo-démocrate Pat Martin. Ça, ce n'est pas remis en question. Quelqu'un sous son autorité a manipulé ce contrat pour que M.Sauvé l'emporte. Ultimement, c'est le ministre qui est responsable.»

À la lumière d'autres allégations concernant M.Fortier, notamment d'intervention dans deux autres dossiers, M.Martin en conclut que le ministre avait mal fait son travail. «L'incompétence de cet homme dans le court laps de temps où il a été ministre des Travaux publics coûte une fortune aux contribuables. Tout ce qu'il a touché est imprégné d'allégations d'interférence, de méfait, de manipulation et de violation du principe de saine compétition (dans les appels d'offres).»

Pour le député libéral de Bourassa, Denis Coderre, le dossier continue d'être «cousu de fil blanc» et il est ainsi primordial que les parlementaires poursuivent leur enquête.

«On a changé trois fois les critères pour le contrat. Et finalement, c'était comme l'organiser pour que ce soit (LM Sauvé) qui gagne, a soutenu M.Coderre. En guise de remerciement, on lui demande d'organiser un cocktail de financement? On voit de plus en plus qu'il y a quelque chose qui se passe.»