Le projet de loi qui vise à durcir les sentences d'emprisonnement au Canada pourrait affecter plus durement les autochtones et les gens vivant en région éloignée, selon une étude interne du gouvernement fédéral.

Les données préliminaires du ministère de la Justice tendent vers les conclusions des opposants au projet en question, qui affirment que le projet de loi C-25, appelé Loi sur l'adéquation de la peine et du crime -Truth in Sentencing Act» - vise inégalement les pauvres, les illettrés et les autochtones du pays.

Le projet, qui est devenu une loi en février, a mis fin à la pratique répandue de créditer en double aux condamnés le temps passé derrière les barreaux avant leur procès.

Les juges imposant des sentences doivent désormais, selon la loi, offrir un crédit d'un pour un, c'est-à-dire réduire une peine d'un an pour chaque année passée en prison avant le jugement. Dans certains cas spéciaux, les magistrats peuvent offrir un ratio d'un et demi, et seulement s'ils présentent un argumentaire écrit.

Le ministère fédéral de la Justice a mené une étude interne sur la question du crédit pour la détention pré-sentence, en colligeant des données judiciaires pendant trois mois dans six villes: Vancouver, Whitehorse, Winnipeg, Toronto, Ottawa et Halifax.

Un rapport préliminaire datant de juillet 2009 se penchant sur 582 affaires judiciaires a dévoilé que les gens attendant un procès à Winnipeg, au Manitoba, et à Whitehorse, au Yukon, passaient beaucoup plus de temps en détention pré-sentence que leurs homologues de Toronto ou de Vancouver.

À Winnipeg, par exemple, la durée moyenne de détention s'élevait à 120 jours, comparativement à 17 jours à Toronto. À Whitehorse, il s'agissait plutôt de 54 jours.

L'étude, réalisée avant l'imposition de règles plus strictes en matière de sentences, a également démontré que les juges de Winnipeg offraient un crédit de deux pour un dans environ 80% des cas - ce qui est désormais interdit.

L'étude interne a été citée dans une note confidentielle destinés au Conseil des ministres concernant le projet de loi C-25, mais n'a pas été rendue publique alors que la Chambre des communes et le Sénat débattaient du projet en question.

La Presse Canadienne a obtenu une copie de cette étude en vertu de la Loi d'accès à l'information.

Craig Jones, un opposant au projet de loi C-25 appartenant à la Société John Howard du Canada, a indiqué que la plupart des détenus attendant leur sentence à Winnipeg étaient des autochtones.

La ville abrite près de 70 000 autochtones, ce qui correspond à environ 10% de la population, le plus haut taux parmi les métropoles canadiennes.

Eric Gottardi, un porte-parole de l'Association canadienne du Bareau qui s'est également exprimé contre le projet de loi C-25, a indiqué que l'étude du ministère de la Justice était préliminaire, et était basée sur une enquête incomplète. Les données d'Ottawa et d'Halifax, par exemple, n'étaient pas incluses.

Une porte-parole du ministère de la Justice n'a pas voulu indiquer le coût de l'étude, la date de publication de la version finale, ou pourquoi les résultats préliminaires n'avaient pas été rendus publics lors du débat sur le projet de loi.

Carole Saindon a également précisé que le ministère n'avait pas lancé d'étude sur l'impact de cette nouvelle loi sur les sentences, spécifiant qu'elle ne s'appliquait qu'aux gens accusés après l'entrée en vigueur de la loi, le 22 février de cette année.