À situation extrême, réponse extrême. La ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, a dû se défendre, hier, d'avoir accordé sans appel d'offres un contrat de 12 millions à une firme de Calgary, pour la construction de bâtiments temporaires destinés au gouvernement haïtien à Port-au-Prince.

Le premier ministre Stephen Harper avait annoncé en grande pompe, lors de son passage dans la capitale haïtienne, l'engagement du Canada à rebâtir rapidement un siège temporaire pour l'administration du gouvernement haïtien, qui a perdu l'essentiel de ses édifices dans le séisme du 12 janvier dernier.

Or, CBC a révélé cette semaine qu'Ottawa n'a pas respecté le processus d'appel d'offres public imposé à tout contrat de plus de 25 000$. Une filiale de l'entreprise ATCO, de Calgary, a obtenu le contrat de 12 millions sans qu'aucun concurrent puisse soumissionner. CBC a aussi révélé que plusieurs administrateurs de l'entreprise ont contribué à la caisse du Parti conservateur du Canada dans les dernières années.

«Le gouvernement demande à Haïti de rendre des comptes. Il demande aussi aux ONG sur le terrain de rendre des comptes. Mais ce gouvernement a donné un contrat sans appel d'offres à ATCO, une entreprise amie des conservateurs, a déploré le député néo-démocrate, Paul Dewar. Pourquoi le double standard? Pourquoi des règles pour les amis du parti et des règles différentes pour les Haïtiens et les ONG?»

La situation urgente requérait des mesures particulières, a rétorqué la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose.

«Nous avons utilisé nos pouvoirs contractuels d'urgence pour répondre à la demande dans un délai de quelques jours plutôt que quelques mois, a souligné la ministre Ambrose, ajoutant que l'entreprise devra tout de même respecter les règles des contrats gouvernementaux. Nous sommes fiers d'avoir pu répondre adéquatement aux besoins criants du gouvernement haïtien.»

Au ministère des Travaux publics, on ajoute que le Règlement sur les marchés de l'État et les accords commerciaux permettent au gouvernement «d'attribuer un contrat à un fournisseur exclusif lorsque le délai de livraison des biens et des services requis ne peut être respecté dans le cadre des procédures ouvertes ou sélectives d'appel d'offres».

L'Agence canadienne de développement international (ACDI) a quant à elle précisé qu'elle avait «considéré diverses options tant au Canada qu'en Haïti, en plus d'ATCO, et a déterminé que cette entreprise était la seule firme possédant l'expertise nécessaire et la capacité immédiate pour répondre à cette demande urgente du gouvernement haïtien».

Mais l'opposition estime que le gouvernement doit rendre des comptes, même en situation d'urgence.

«Nous sommes conscients du fait que le temps est déterminant dans la reconstruction d'Haïti, a dit la critique libérale en matière de travaux publics, Martha Hall Findlay, par voie de communiqué. Toutefois, pour assurer aux contribuables qu'ils en ont pour leur argent durement gagné, et par souci d'équité envers tous les concurrents, une procédure d'appel d'offres d'urgence est nécessaire dans ce genre de situation.»

La députée libérale estime qu'un processus accéléré d'appel d'offres «contribuerait à éviter ce genre de controverse et toute impression de favoritisme politique».