Après le gouvernement Harper, c'est au tour de l'Ontario de mettre en doute l'efficacité du nouveau règlement de Québec visant à imposer des normes de réduction de gaz à effet de serre (GES) aux constructeurs automobiles.

La ministre du Développement économique et du Commerce de l'Ontario, Sandra Pupatello, estime que cette mesure risque d'être un grand coup d'épée dans l'eau, puisque le Québec représente seulement 4% du marché de vente de l'automobile en Amérique du Nord.

Dans une entrevue exclusive accordée à La Presse, la ministre a aussi affirmé que le gouvernement Charest sera sans doute contraint de modifier ce règlement pour tenir compte de la réalité économique et en limiter les effets pervers. Le gouvernement McGuinty a d'ailleurs été pris de court par cette décision de Québec.

Mme Pupatello explique que le Québec et l'Ontario se sont engagés il y a quelques mois à travailler de concert en matière d'économie et à se consulter avant d'adopter de nouvelles mesures. Mais cela n'a pas été fait dans le cas du règlement concocté par la ministre québécoise du Développement durable et de l'Environnement, Line Beauchamp.

«Nous tentons d'harmoniser nos règlements. L'un des aspects importants de cette démarche est la réglementation des émissions provenant du secteur automobile puisque cela va avoir des effets majeurs sur notre industrie. Nous croyons que le Québec doit en tenir compte étant donné que ce qu'il va faire aura un impact en Ontario», a dit la ministre.

Le règlement en question, qui est entré en vigueur le mois dernier, stipule que les autos vendues au Québec doivent dès cette année respecter une norme de 187 g de CO2 le kilomètre dès cette année (environ 7,7 L/100 km) et qu'elles ne devront émettre que 127 g en 2016 (environ 5,3 L/100 km).

Les constructeurs automobiles, qui sont concentrés en Ontario, disposent de cinq ans pour s'adapter aux nouvelles normes. En 2016, s'ils ne respectent pas leur plafond d'émissions de GES, ils seront passibles d'amendes rétroactives pouvant atteindre 5000 $ par voiture. Les résultats des constructeurs seront calculés sur l'ensemble des ventes de leur parc automobile respectif.

«Nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais nous pensons qu'il y a une meilleure façon d'y arriver en tentant compte des préoccupations des parties intéressées. Maintenant que nous avons un accord Québec-Ontario, à l'avenir, nous pourrons voir à l'avance les règlements proposés par Québec et soumettre notre avis», a ajouté la ministre Pupatello.

Elle soutient que gouvernement de l'Ontario a pour sa part l'intention de respecter l'accord et d'obtenir le son de cloche du Québec avant de mettre en vigueur un nouveau règlement.

«Tous les ministres ont accepté de faire cela en Ontario et au Québec. Mais cela n'a pas été fait dans le cas du règlement touchant l'industrie automobile. Nous avons beaucoup plus d'influence et d'impact lorsque nous combinons nos efforts», a dit Mme Pupatello. Elle a ajouté que l'Ontario compte inviter Québec à corriger le tir concernant le règlement en question.

Les propos de Prentice

La semaine dernière, le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, avait provoqué la colère du gouvernement Charest et des groupes écologistes en qualifiant de «sottise» l'adoption de ce règlement parce que le Québec se trouve à essayer «d'agir seul dans une économie nord-américaine intégrée».

Le premier ministre Jean Charest avait répliqué que le Québec est loin d'agir seul, puisqu'il s'est inspiré des normes de la Californie, adoptées par 15 États américains, ce qui représente plus de 40% du marché de l'automobile des États-Unis. M. Charest a aussi accusé le ministre Prentice de faire de «la désinformation».

Mais à Ottawa, le gouvernement Harper persiste et signe : selon lui, le Québec est isolé parce que, même si certains États américains ont adopté des normes comparables, elles ne sont toujours pas entrées en vigueur. «Le Québec est seul à appliquer ces normes en ce moment», a-t-on fait valoir. On a aussi ajouté que les normes du Québec sont plus sévères que celles envisagées par le gouvernement canadien ou l'administration américaine.

En outre, on rappelle que le président des États-Unis, Barack Obama, a annoncé le 19 mai que les nouvelles règles touchant le secteur automobile seront adoptées à l'échelle continentale. C'est pour cette raison que les États américains ayant adopté des normes, dont la Californie, ne les ont toujours pas appliquées, a-t-on affirmé. Ces normes continentales s'appliqueront à partir du 1er janvier 2011. «L'argument selon lequel le Québec agit de concert avec 14 autres États américains ne tient pas la route», a affirmé une source.