L'État économiserait une fortune en formation linguistique si les universités et les Canadiens prenaient plus au sérieux l'apprentissage des deux langues officielles, estime le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser.

Dans une entrevue-bilan sur la première partie de son mandat, M. Fraser a déclaré à La Presse qu'il comptait désormais encourager un changement des mentalités à cet égard au Canada.

 

Le commissaire aux langues officielles estime que pour éviter de froisser les susceptibilités régionales, Ottawa a trop insisté sur le fait que la Loi sur les langues officielles ne visait que les services offerts par le gouvernement.

L'un des résultats, et non le moindre, souligne M. Fraser: depuis l'adoption de la loi, il y a 40 ans, c'est trop souvent le gouvernement fédéral, donc les contribuables, qui, au bout du compte, ont assumé la facture pour la formation de fonctionnaires.

«C'est triplement cher, a-t-il fait remarquer. D'abord, ça prend beaucoup plus longtemps de faire en sorte qu'un employé devienne bilingue à 50 ans qu'à 20 ans. Deuxièmement, il le fait à plein salaire. Et troisièmement, il y a le coût de remplacement quand cette personne sort de son emploi pour suivre un cours de formation.»

«Si les universités et les individus assumaient un peu de cette responsabilité de l'importance du bilinguisme individuel dans le contexte du plus grand employeur du Canada, ce serait beaucoup plus efficace», juge-t-il.

Le Commissariat aux langues officielles publiera d'ici un mois le rapport d'une étude dans lequel il dressera une série de recommandations tant pour les gouvernements provinciaux et fédéral que pour les universités elles-mêmes.

Il mettra aussi en ligne en même temps un site web qui fournira des informations aux étudiants de niveau postsecondaire sur les possibilités de programmes et de formations linguistiques.

De l'avis de Graham Fraser, ces efforts sont à ce stade-ci plus que nécessaires. «Il y a un renouvellement dramatique de la fonction publique», a-t-il dit.

«Chaque année, pendant au moins 10 ans, il y aura entre 12 000 et 15 000 emplois qui vont s'ouvrir au gouvernement fédéral - dont 5000 emplois de postes bilingues -, parce qu'il y a toute une génération de baby-boomers qui prennent leur retraite.»

Nouveau combat

Cela fait trois ans aujourd'hui que M. Fraser a été nommé commissaire aux langues officielles, pour un mandat de sept ans. La préparation pour les Jeux olympiques et la lutte pour la survie du Programme de contestation judiciaire sont parmi les enjeux qui ont marqué la première partie de son mandat. Il compte faire de la formation postsecondaire l'un de ses principaux chevaux de bataille pour les années à venir.

Certaines statistiques lui donnent des munitions. Le recensement de 2006 a en effet révélé qu'à l'extérieur du Québec, la connaissance du français stagne ou diminue chez les jeunes adultes anglophones. Certains semblent même en perdre en vieillissant.

Selon Statistique Canada, 14,7% des jeunes anglophones de 15 à 19 ans étaient bilingues en 2001. «En 2006, alors que ceux-ci avaient cinq ans de plus (de 20 à 24 ans), seulement 12,2% se déclaraient bilingues», ajoute-t-on dans le rapport du recensement.

Le Québec est la province la plus bilingue du Canada. En 2006, plus du tiers des francophones (36%) et plus des deux tiers des anglophones (69%) se disaient bilingues.

Mais la bataille n'est pas gagnée d'avance, estime le commissaire Fraser. «C'est un défi réel, qui dépasse la tradition que l'on a maintenue depuis 40 ans.»