(Ottawa) Un jour après que le gouvernement Trudeau eut pris ses distances de l’Initiative du siècle, qui propose d’utiliser l’immigration comme outil pour faire passer à 100 millions la population du Canada d’ici 2100, le Bloc québécois continue de taper sur le clou. La ministre Mélanie Joly y voit une manœuvre pour instiller la peur.

« Bon, on va le répéter encore une fois, il faut que le Bloc l’entende bien : l’Initiative du siècle n’est pas la politique gouvernementale. On va arrêter, du côté du Bloc québécois, de faire peur au monde », a lancé la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, en réponse à une question de la députée Christine Normandin, vendredi, à la Chambre des communes.

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La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly

La bloquiste venait de souligner que la cible d’accueil libérale de 500 000 immigrants pour 2025 était calquée sur celle du groupe. « Peuvent-ils s’engager devant les Québécois à ce que leurs cibles, à partir de 2026, soient en-dessous de 500 000 ? », les a-t-elle mis au défi. « D’un côté, ils disent rejeter l’Initiative, mais de l’autre, ils refusent d’appuyer notre motion qui rejette l’initiative », a-t-elle aussi déploré.

Dans le camp libéral, on a signalé qu’on allait s’opposer à la motion bloquiste qui sera mise aux voix lundi, car on rejette « les prémisses de la motion, y compris le préambule qui affirme que nos objectifs sont liés à l’Initiative », a-t-on indiqué jeudi. Les néo-démocrates aussi voteront contre, le chef adjoint Alexandre Boulerice accusant le Bloc de « faire de la diversion et casser du sucre sur le dos des immigrants ».

Pétition en ligne

Sur un autre front, le virtuel, le Bloc québécois fait circuler une pétition contre l’Initiative du siècle.

Dans une publication Twitter fournissant le lien vers la pétition, on met en exergue un extrait du discours livré jeudi en Chambre par la députée Nathalie Sinclair-Desgagné : « Ce pays, nous le construirons ensemble, Québécois immigrants et Québécois de souche, avec nos frères et nos sœurs des premiers peuples, parce qu’est Québécois qui veut l’être ».

Entre soulagement et inquiétude

Du côté de Québec, l’Initiative du siècle suscite de vives inquiétudes, puisqu’elle serait de nature à avoir un impact négatif sur le poids démographique du Québec au sein du Canada, ainsi que sur la pérennité de la langue française.

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Le premier ministre du Québec, François Legault

Le premier ministre François Legault avait manifesté ses préoccupations mercredi à l’Assemblée nationale. Jeudi, par l’entremise de son attaché de presse, Ewan Sauves, il a poussé un soupir de soulagement, bien que prudemment, après qu’Ottawa ait pris ses distances.

« Il était temps que le gouvernement fédéral se rende à l’évidence. La cible proposée par l’Initiative du siècle était totalement incompatible avec l’urgence de protéger et inverser le déclin du français au Québec », a déclaré le porte-parole.

Cela dit, « la cible [fédérale] de 500 000 immigrants par année demeure, et celle-ci n’est pas plus adéquate selon nous », a-t-il ajouté, rappelant que Québec « décide lui-même du nombre d’immigrants permanents », et qu’il « n’a jamais été question pour notre gouvernement d’avoir une telle croissance de l’immigration ».

L’Initiative du siècle vise à faire passer la population du Canada à 100 millions d’habitants d’ici 2100.

Elle est portée par des experts « qui partagent la conviction que la prospérité nécessite une planification et qu’avec la bonne approche de la croissance, le Canada peut accroître sa force et sa résilience économiques au pays et son influence à l’étranger », lit-on sur le site web du groupe de réflexion torontois.