Ottawa verse près de 42 millions au gouvernement du Québec pour « appuyer des activités de prévention et d’intervention » liées à la lutte contre la violence armée et les gangs de rue. Une bonne partie de ces fonds seront affectés à la stratégie Centaure, à laquelle participent six corps de police de la province.

« Si on est ici, c’est parce qu’il y a des évènements qui se passent, dans les quartiers ici et ailleurs au Québec et au Canada. Il y a trop de gens qui sont victimes de violence armée. C’est assez. Voir ces vies déchirées, entendre les pleurs des parents, des citoyens qui ont peur pour leurs enfants, c’est assez », a déclaré jeudi le lieutenant fédéral pour le Québec, Pablo Rodriguez, en conférence de presse à Rivière-des-Prairies.

M. Rodriguez s’est dit inquiet que la violence armée soit « de plus en plus aléatoire, comme si c’était anodin de tirer sur quelqu’un ». « La prévention, ça fait partie de la solution. […] Avec l’annonce d’aujourd’hui [jeudi], je pense que les choses vont vraiment changer », a-t-il dit.

Les 41,8 millions seront versés via le Fonds pour bâtir des communautés plus sécuritaires, un programme fédéral évalué à 250 millions qui a été mis sur pied en mars 2022 pour prévenir la violence armée et aider les jeunes « à faire de bons choix ».

Outre le financement du réseau communautaire et la formation d’intervenants, l’argent sera principalement utilisé « pour renforcer les efforts déployés dans l’initiative Centaure », une vaste cellule de corps policiers québécois pour lutter contre la violence armée mise sur pied en septembre 2021.

En juin, La Presse rapportait qu’entre le 1er octobre 2021 et le 1er juin dernier, les six corps de police principaux participant à la stratégie Centaure (ceux de Montréal, de Laval, de Longueuil, de Québec, de Gatineau et la Sûreté du Québec) ont saisi 394 armes à feu, surtout des armes de poing. À ce moment, les arrestations étaient plus nombreuses que les saisies d’armes. On en comptait déjà 426.

Causes profondes de la criminalité

Demeurant flou sur ses intentions, le gouvernement fédéral a néanmoins précisé jeudi que son objectif était de « s’attaquer aux causes profondes de la criminalité », faisant valoir que « la violence liée aux gangs et les fusillades dans des lieux publics sont de plus en plus fréquentes » et qu’il y a urgence d’agir.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Marco Mendicino, ministre fédéral de la Sécurité publique

« Ça commence par des mesures à nos frontières », a estimé le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, qui entend utiliser davantage les « nouvelles technologies » pour lutter contre la circulation des armes, afin de « faire des examens sur toutes les voitures » qui traversent la frontière canadienne.

« Il y a des défis et il faut aller plus loin, mais on continue de faire beaucoup de progrès à la frontière. Plus tard cette année, nous lancerons un programme de rachat pour les retirer de nos communautés une fois pour toutes », a-t-il déclaré, sans donner d’autres précisions.

M. Mendicino ne semblait par ailleurs pas au fait des derniers développements de l’enquête, quand on a l’interrogé jeudi. « Avec le progrès de ce matin et avec les arrestations, on peut être confiant. J’espère que cet individu sera amené devant la justice », a-t-il dit, en parlant du suspect alors que celui-ci avait été abattu. « Cette tragédie nous inspirera à aller plus loin. Cette injustice est inacceptable. Ça suffit », a-t-il aussi dit, en évitant toute question sur la forme de l’enquête.

Le tout survient alors que Montréal est de nouveau le théâtre d’une flambée de violence. Un jeune homme aux prises avec de graves problèmes de santé mentale soupçonné d’avoir commis la série de meurtres survenus mardi et mercredi à Montréal et à Laval a été abattu par les policiers jeudi matin, ont confirmé des sources policières.

Il est le principal suspect en lien avec les meurtres commis en 24 heures qui ont coûté la vie à trois victimes innocentes, selon nos informations. Il aurait agi sans complice. La plus récente victime de cette série d’homicides est un jeune Lavallois de 22 ans. Il se déplaçait en planche à roulettes dans le quartier de Laval-des-Rapides quand il a été atteint par des tirs. Selon toute vraisemblance, il aurait été visé au hasard.

Deux hommes avaient été assassinés à une heure d’intervalle mardi soir. La première victime est André Fernand Lemieux, un homme de 64 ans, père du boxeur québécois David Lemieux. Le deuxième épisode de violence s’est produit une heure plus tard, rue Meilleur, près de la rue Sauvé. Encore une fois, les agents ont retrouvé un homme gisant sur le sol, blessé par balle. Il s’agit de Mohamed Salah Belhaj, agent d’intervention de l’hôpital en santé mentale Albert-Prévost, âgé de 48 ans.