(Ottawa) L’ambassade du Canada à Kyiv, dont Justin Trudeau avait souligné en grande pompe la réouverture lors de sa visite surprise en Ukraine, au début du mois de mai, est toujours déserte.

Le 8 mai dernier, le premier ministre Justin Trudeau, la vice-première ministre Chrystia Freeland, la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly et l’ambassadrice du Canada en Ukraine, Larisa Galadza, hissaient ensemble l’unifolié devant l’édifice situé dans la capitale ukrainienne.

« J’ai été très touché de lever le drapeau canadien. C’est une reconnaissance de la bravoure et des capacités du peuple ukrainien qui a su défendre cette ville. C’est très bon de voir le drapeau canadien être là dans les rues de Kyiv », s’était réjoui Justin Trudeau.

Or, près de trois mois plus tard, les bureaux de la mission diplomatique sont déserts, comme l’a constaté une reporter de Global News. « Les stores sont tirés, les portes sont cadenassées et un écriteau indique que les services sont toujours suspendus », a écrit la journaliste Ashleigh Stewart, photo à l’appui.

Invité à fournir des précisions à ce sujet, Affaires mondiales Canada a mis plus de 20 heures à répondre.

« En mai 2022, l’ambassadrice du Canada et des membres essentiels du personnel canadien sont retournés à Kyiv pour reprendre les actions diplomatiques de haut niveau en personne », a fini par écrire un porte-parole du ministère, Jason Kung.

« Les préoccupations en matière de sécurité demeurent et, par conséquent, l’ambassadrice et le personnel travaillent hors site à Kyiv pour assurer leur sécurité. Nous continuons d’évaluer l’affectation du personnel à Kyiv », a-t-il noté, évoquant un rétablissement total de la présence et des services « dès que possible ».

L’ambassade du Canada à Kyiv avait fermé ses portes le 12 février dernier en raison de la menace russe. Les diplomates avaient d’abord été installés dans l’ouest de l’Ukraine, à Lviv, avant de prendre le chemin de la Pologne, où ils ont travaillé pendant un certain temps.

Les ambassades de la plupart des pays occidentaux ont mis la clé sous la porte quand la Russie a envahi son voisin ukrainien. Plusieurs ont depuis repris leurs activités à Kyiv, dont les États-Unis, la France, l’Italie, et le Royaume-Uni.

« Politique spectacle »

Les partis de l’opposition à Ottawa, qui avaient tous salué la réouverture de l’ambassade, sont aujourd’hui déçus.

La cheffe conservatrice intérimaire, Candice Bergen, regrette que « bien que le premier ministre ait annoncé la réouverture de notre ambassade à Kyiv en mai, celle-ci demeure fermée », reprochant au gouvernement de « laisse[r] tomber les Canadiens et nos alliés au moment le plus important ».

« Comme à son habitude, le gouvernement Trudeau s’en est tenu aux belles annonces, aux belles images. On est dans la politique spectacle », a laissé tomber en entrevue téléphonique le député Stéphane Bergeron, du Bloc québécois.

Selon lui, le Canada verse dans une « hyperpréoccupation » au chapitre sécuritaire. « Il y a moyen d’assurer la sécurité du personnel diplomatique autrement qu’en prenant ses cliques et ses claques et en sacrant son camp », a-t-il plaidé.

Sa collègue néo-démocrate Heather McPherson se montre prudente au sujet de l’enjeu de la sécurité. « Si ce n’est pas sécuritaire, l’ambassade ne devrait pas être ouverte », a-t-elle d’abord insisté au bout du fil.

« Mais si elle n’ouvre pas, rien ne justifie un déplacement du premier ministre et de ses ministres en Ukraine pour une séance de photos », a précisé l’élue, reprochant au gouvernement son manque de transparence en ce qui a trait à la situation de l’ambassade à Kyiv.

Il n’a pas été possible de savoir quand le personnel diplomatique réintégrera l’ambassade. « Pour des raisons de sécurité, nous ne discutons pas des détails opérationnels de nos missions à l’étranger », nous a-t-on dit chez Affaires mondiales Canada.