(Ottawa) Les hostilités sont officiellement lancées. D’un côté, les avocats du candidat déchu Patrick Brown fustigent le « processus kafkaïen » ayant mené à la disqualification de leur client, de l’autre, ceux des instances du Parti conservateur se penchent sur la validité de la contestation.

Il a fallu moins de 24 heures après que le Comité organisateur de l’élection du chef (COEC) eut disqualifié de la course à la direction conservatrice Patrick Brown, citant de « sérieuses allégations d’actes répréhensibles » en matière de financement électoral, avant que le principal intéressé ne mette sa menace à exécution : il a retenu les services d’un cabinet d’avocats pour contester son élimination de la course.

Et pas n’importe quels avocats : ceux de la firme Henein Hutchison – et sa redoutable avocate Marie Henein, laquelle a défendu avec succès des personnalités comme l’ancien animateur de CBC Jian Ghomeshi ou encore l’ancien vice-amiral Mark Norman.

« Pour être clair, M. Brown n’a commis aucune faute. Votre refus de préciser les allégations à l’appui de votre recommandation le démontre. Il a rejeté les informations dérisoires que vous avez fournies », lit-on dans un document daté du 6 juillet cosigné par MMarie Henein et son collègue MAlex Smith.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE LA FIRME HENEIN HUTCHISON

L’avocate Marie Henein

« Ce processus kafkaïen a mené à une décision prédéterminée, fondée sur les motifs politiques, qui n’est pas conforme aux valeurs qui devraient être soutenues par ce parti », poursuit-on dans cette missive adressée à Don Nightingale, président du Comité d’appel de résolution des différends (CARD).

À cette lettre s’ajoute celle envoyée à Ian Brodie, président du COEC, dans laquelle le duo d’avocats réclame que tout document en lien avec le processus de disqualification – courriels, textos, messages WhatsApp, etc. – soit conservé.

« Il a perdu beaucoup de crédibilité »

Le hic, c’est que les règles de la course à la direction de 2022 prévoient entre autres que « toutes les décisions du COEC sont finales et ne sont pas sujettes à un appel interne ou à un examen judiciaire ».

Le président du Parti conservateur, Rob Batherson, n’a pas voulu supputer sur les implications légales de cette disposition.

Notre avocat a reçu les lettres, et on va y répondre avant de commenter.

Rob Batherson, président du Parti conservateur

L’ancien stratège conservateur Yan Plante juge que les chances de succès de Patrick Brown sont minces. « À mon avis, le comité est tout-puissant », a-t-il exprimé en entrevue.

Et de toute manière, même s’il avait gain de cause, le candidat ne pourrait s’en relever, fait-il valoir : « Que ce soit avéré ou que ce soit juste des allégations et qu’à la fin ce soit rejeté, pour moi, il a perdu beaucoup de crédibilité, ne serait-ce que par le fait que son nom est encore une fois accolé à de telles allégations. »

La dénonciation viendrait du camp Brown

Le candidat à la direction du Parti conservateur est furieux de sa disqualification. Il a fustigé la décision sur toutes les tribunes, accusant la formation de manœuvrer afin de favoriser le couronnement de Pierre Poilievre, considéré comme le favori de la course.

Or, la dénonciation auprès des autorités du parti est venue du camp Brown, a affirmé Rob Batherson à La Presse. « On n’a aucun indice que les informations proviennent d’une autre campagne que celle de M. Brown », a-t-il déclaré.

Un communiqué publié jeudi soir par le cabinet d’avocats torontois Loopstra Nixon, au nom d’une ancienne organisatrice de campagne, Debra Jodoin, va dans le même sens. Elle affirme qu’elle aurait été rémunérée par une entreprise privée.

Le commissaire aux élections sollicité

Le Bureau du commissaire aux élections fédérales a confirmé jeudi avoir reçu l’information en lien avec cette affaire, sans cependant fournir davantage de détails sur la nature des documents qui lui ont été transmis ou confirmer qu’une enquête serait bel et bien ouverte.

« Le commissaire aux élections fédérales prend chaque plainte au sérieux et, lorsqu’il est approprié de le faire, mène une enquête approfondie. La durée d’une enquête peut varier considérablement selon la nature et la complexité d’un dossier », a écrit la porte-parole Jacinthe Dumont.

Le Parti libéral a vite sauté sur l’affaire. Le député Adam van Koeverden a écrit au commissaire pour réclamer une enquête sur « les allégations de crimes financiers potentiels » dans la course à la chefferie.

Le prochain dirigeant conservateur sera élu le 10 septembre prochain.

En savoir plus
  • 675 000
    Nombre de membres du Parti conservateur qui sont habilités à voter pour le prochain chef. Jamais la formation n’en avait compté autant depuis 2004 (281 975 membres).
    Source : PARTI CONSERVATEUR DU CANADA