(Ottawa) Le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi à la Chambre des communes mardi qui abrogerait les peines minimales obligatoires pour les infractions liées aux drogues et certains crimes liés aux armes à feu.

Cela permettrait à un juge d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour imposer des peines liées à la nature d’un dossier, y compris des considérations sur l’expérience de la personne avec le racisme systémique et si elle présente un risque pour la sécurité publique.

La législation permettrait un plus grand recours aux peines avec sursis, y compris l’assignation à résidence, la thérapie ou le traitement, pour les personnes qui ne menacent pas la sécurité publique.

Cela obligerait également la police et les procureurs à envisager des mesures de rechange pour les cas de simple possession de drogue, telles que la réorientation des individus vers des programmes de traitement, au lieu de porter des accusations ou de poursuivre.

Ces réformes sont réclamées depuis longtemps par des défenseurs des droits, qui ont fait valoir que les mesures actuelles perpétuent le racisme systémique dans le système de justice canadien, entraînant des taux d’emprisonnement disproportionnellement plus élevés pour les peuples autochtones, les personnes noires et les personnes aux prises avec la toxicomanie.

Le projet de loi rétablit la législation précédemment déposée en février, qui n’avait pas reçu l’approbation parlementaire avant que le premier ministre Justin Trudeau ne déclenche des élections fédérales en août.

Le ministre de la Justice, David Lametti, a déclaré mardi lors d’une conférence de presse que la politique en matière de justice de l’ancien gouvernement conservateur « n’a tout simplement pas fonctionné ».

« La meilleure preuve, malheureusement, se trouve dans nos populations carcérales », a-t-il affirmé.

Les adultes autochtones représentent 5 % de la population canadienne, mais 30 % des détenus sous responsabilité fédérale, soit le double du taux il y a 20 ans, et le pourcentage est encore plus élevé dans certaines provinces, a noté le ministre.

Les Canadiens noirs représentent 3 % de la population, mais 7,2 % des délinquants sous responsabilité fédérale, a ajouté M. Lametti qui a qualifié la situation de « honteuse ».

Les peines minimales obligatoires créent une approche rigide et uniforme qui empêche les juges de prendre en compte les facteurs atténuants et d’imposer une peine adaptée au crime, a-t-il déclaré.

Le ministre de la Justice a souligné que la législation n’est pas destinée aux « criminels endurcis » mais aux primodélinquants à faible risque.

« Pensez à vos propres enfants, a insisté M. Lametti. Peut-être qu’ils ont eu des ennuis à un moment donné avec la loi. Je parie que vous voudriez leur donner le bénéfice du doute ou une seconde chance s’ils se trompent. Eh bien, c’est beaucoup plus difficile d’obtenir une seconde chance dans l’état actuel des choses. […] Et c’est particulièrement vrai si vous êtes un jeune autochtone ou noir. »

Des peines minimales obligatoires resteraient en place pour les condamnations graves telles que le meurtre, les infractions sexuelles, y compris les infractions sexuelles envers les enfants, la conduite avec facultés affaiblies et les infractions graves liées aux armes à feu, y compris celles liées au crime organisé, a précisé M. Lametti.

Il a indiqué que les juges pourront toujours imposer de longues peines si elles sont nécessaires et que la législation redonnerait simplement la possibilité d’imposer des peines qui « reflètent le crime ».

Le pouvoir discrétionnaire plus large accordé aux juges dans la détermination de la peine est une dérogation aux peines minimales obligatoires qui ont été soit ajoutées ou augmentées pendant les années du gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Jody Wilson-Raybould, qui était ministre de la Justice jusqu’au début de 2019, avait commencé à travailler sur la révision des peines minimales obligatoires, mais le changement ne s’est pas concrétisé et le gouvernement a depuis fait face à une pression accrue pour prendre des mesures.

En juin 2020, le Caucus des parlementaires noirs a annoncé un appel à l’action exigeant l’élimination des peines minimales obligatoires. M. Lametti était l’un des signataires.

Critiques du PCC et du NPD

Le porte-parole conservateur en matière de Justice, Rob Moore, a déclaré dans un communiqué que le projet de loi était doux à l’égard de la criminalité et mettait les communautés et les victimes en danger.

M. Moore a affirmé que son parti était préoccupé par la proposition selon laquelle les tribunaux auraient le pouvoir discrétionnaire de condamner les délinquants à purger leur peine dans la communauté au lieu de la prison pour certaines infractions, telles que les agressions sexuelles, la traite de personnes et les enlèvements.

Il a ajouté que les conservateurs croient que les infractions violentes commises avec des armes à feu méritent une peine de prison obligatoire, plutôt qu’un adoucissement des lois sur les armes à feu.

Dans une déclaration commune, le porte-parole du NPD en matière de justice, Randall Garrison, et le porte-parole en matière de santé mentale et de toxicomanie, Gord Johns, ont déclaré que bien que le projet de loi soit un pas dans la bonne direction, il demeure encore loin de ce qui est nécessaire pour remédier à l’incarcération excessive des Autochtones et des Noirs dans le système judiciaire.

MM. Garrison et Johns ont ajouté que le gouvernement libéral doit prendre des mesures pour décriminaliser la possession de substances illégales à des fins personnelles et créer une stratégie globale pour faire face à la crise des décès liés aux surdoses.

La codirectrice exécutive du HIV Legal Network, Sandra Ka Hon Chu, a déclaré que le projet de loi représente une voie prometteuse, mais a noté qu’il comporte certaines caractéristiques problématiques qui semblent en contradiction avec l’esprit annoncé de ces réformes.

Elle a dit que le projet de loi est imparfait parce qu’il n’abroge simplement pas l’article quatre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui criminalise la possession de drogues pour usage personnel.

Un autre problème est la capacité de la police et des procureurs à exercer leur pouvoir discrétionnaire de poursuivre ou non, a-t-elle déclaré.

« Si nous croyons vraiment que la consommation problématique de substances est un enjeu de santé, pourquoi donnons-nous toujours à la police et aux procureurs un outil pour porter des accusations contre des personnes ? »

Cette dépêche a été produite avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.