(Ottawa) Quelque 35 000 $ pour un ordinateur, puis 15 000 $ pour l’entretenir chaque année. La pandémie de COVID-19 a forcé le gouvernement fédéral à investir massivement dans un réseau de communication sécurisé pour les ministres et leurs sous-ministres.

Les nombreuses réunions à distance au cours desquelles les ministres devaient approuver régulièrement des milliards de dollars de nouvelles dépenses pour soutenir les entreprises et les travailleurs devaient impérativement être à l’abri de cyberattaques.

Selon des informations obtenues par La Presse, le Bureau du Conseil privé, qui est en quelque sorte le ministère du premier ministre, a mis des terminaux de téléconférence sécurisée à la disposition de tous les ministres et sous-ministres au début de la crise sanitaire. La facture était élevée : chaque terminal a coûté 35 000 $. Le cabinet de Justin Trudeau compte aujourd’hui 38 ministres.

À cette somme initiale pour chaque terminal, il faut ajouter des frais annuels de 15 000 $ pour l’entretien et la mise à niveau, entre autres choses, révèlent des documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Le coût de l’installation de tels terminaux sécurisés dans une salle de conférence était évalué entre 50 000 $ et 75 000 $, selon la taille de l’écran.

« Le Bureau du Conseil privé a récemment mis en œuvre, en collaboration avec Services partagés Canada et le Centre de la sécurité des télécommunications, une solution de vidéoconférence sécurisée. De pair avec la distribution élargie des appareils mobiles sécurisés au début de la pandémie, la portée de la technologie a été augmentée, de même que la fiabilité de nos outils de communication sécurisée », peut-on lire dans une note de service du Bureau du Conseil privé envoyée à tous les ministères fédéraux.

« La première étape de mise en œuvre de vidéoconférence sécurisée visait à fournir rapidement de l’équipement aux ministres et aux sous-ministres afin qu’ils puissent participer à distance aux réunions des comités du cabinet de façon sécurisée », ajoute-t-on.

Dès février 2020

Les comités du cabinet ont commencé à utiliser cette technologie à la fin du mois de février 2020, soit au début de la pandémie, est-il précisé. Si les terminaux de téléconférence sécurisée ont été fournis aux ministres et aux sous-ministres par le Bureau du Conseil privé, les ministères devaient prévoir un budget pour les utilisateurs supplémentaires comme les cadres supérieurs.

Selon Steve Waterhouse, expert en cybersécurité et ancien officier de sécurité informatique au ministère de la Défense, le gouvernement fédéral a pris une décision judicieuse en investissant ainsi dans les services de communication sécurisée.

Ces systèmes de communication sont très dispendieux. Mais la fiabilité et la protection des communications qu’ils offrent sont inégalées sur le marché. C’est nécessaire dans un contexte d’une urgence comme la pandémie.

Steve Waterhouse, expert en cybersécurité et ancien officier de sécurité informatique au ministère de la Défense

« Oui, ça peut paraître cher, mais on ne peut pas acheter ces terminaux chez Bureau en gros », a souligné M. Waterhouse. Il a ajouté que les ministres ne pouvaient pas communiquer en toute sécurité en utilisant des applications comme Teams ou Zoom.

Durant la pandémie, le premier ministre a mis sur pied un comité du cabinet sur la COVID-19 qui était coprésidé par la ministre des Finances, Chrystia Freeland, et l’actuel ministre de la Santé, Jean-Yves-Duclos, qui était alors président du Conseil du Trésor. Les membres de ce comité se réunissaient de manière virtuelle quasi quotidiennement afin d’évaluer les mesures que le gouvernement devait prendre pour contrer les effets de la COVID-19 sur la santé publique et l’économie, entre autres.

Des ministères visés par des cyberattaques

Durant cette crise, certains ministères du gouvernement fédéral ont d’ailleurs été la cible de nombreuses cyberattaques. À titre d’exemple, l’Agence du revenu du Canada (ARC), qui a été chargée par le gouvernement Trudeau de verser rapidement des dizaines de milliards de dollars en aide d’urgence aux travailleurs, aux étudiants et aux entreprises durant la pandémie, a été bombardée par des pirates qui cherchaient à s’emparer des renseignements personnels des Canadiens.

La Presse a rapporté l’an dernier qu’en août 2020, l’ARC a dû repousser 350 000 tentatives de piratage en moins de 12 heures.

Un bombardement qui avait forcé l’ARC à redoubler de vigilance pour éviter que les pirates ne percent la muraille qui protège les données des contribuables.

D’autres ministères, notamment celui des Finances, ont aussi été la cible de cyberattaques dans le passé.

Un porte-parole du Bureau du Conseil privé a affirmé qu’il était impératif de sécuriser les communications gouvernementales durant la pandémie.

« Cette initiative visait à faire en sorte que les hauts dirigeants du gouvernement, y compris les ministres, les sous-ministres et les personnes travaillant sur des dossiers sensibles, puissent disposer d’une technologie leur permettant de communiquer en étant protégés contre les cybermenaces et les intrusions malveillantes », a affirmé Pierre-Alain Bujold, porte-parole du Bureau du Conseil privé.

Pendant la pandémie, ces mesures étaient essentielles pour maintenir la sécurité des opérations gouvernementales tout en respectant les directives en matière de santé publique, et elles constituent une base solide pour l’évolution du milieu de travail hybride du gouvernement en ce qui concerne les discussions sécurisées.

Pierre-Alain Bujold, porte-parole du Bureau du Conseil privé

« Pour des raisons de sécurité opérationnelle, nous ne sommes pas en mesure de commenter les installations spécifiques de ces systèmes ou de fournir des informations détaillées concernant les capacités de communication sécurisée du gouvernement », a-t-il précisé.

À Québec, les ministres et sous-ministres étaient déjà équipés d’ordinateurs portables sécurisés avant la pandémie, selon le ministère du Conseil exécutif.

Son porte-parole n’a toutefois pu indiquer à La Presse si de nouveaux appareils avaient dû être fournis pour les réunions virtuelles du Conseil des ministres et combien ils auraient coûté. « Cette information doit demeurer confidentielle », a répondu Antoine Tousignant.

« Les appareils fournis au personnel de la fonction publique et au personnel politique sont normalisés et sécurisés en fonction des meilleures pratiques et de l’évolution des menaces », a-t-il ajouté.