La sénatrice Denise Batters estime que son expulsion du caucus conservateur est « ironique » puisqu’elle a tout simplement demandé au chef « d’adhérer aux principes et aux politiques » qui avaient été approuvées par les membres du Parti conservateur du Canada.

« Je suis et serai toujours une conservatrice », écrit la sénatrice dans une déclaration envoyée aux médias mercredi.

Mme Batters a été expulsée mardi après avoir remis en question le leadership d’Erin O’Toole dans une vidéo publiée sur Twitter. Elle l’a accusé d’avoir trahi les principes conservateurs en menant une campagne électorale progressiste à l’image des libéraux de Justin Trudeau, alors qu’il s’était plutôt présenté comme un « vrai bleu » durant la course à la direction.

La sénatrice proche de l’ex-chef du parti Andrew Scheer défend son geste. « J’ai lancé une pétition comme tout membre du Parti conservateur peut le faire en vertu de la constitution de notre formation », s’est-elle défendu. Elle a par la suite fait valoir que les membres ont le droit de se prononcer sur la direction de leur parti plus rapidement que prévu après une défaite électorale. Sa pétition avait recueilli 3700 noms en fin de journée mercredi.

« Apparemment, M. O’Toole ne peut pas tolérer la critique », ajoute-t-elle. Elle affirme l’avoir approché directement avec ses doléances, mais qu’il ne lui a ni répondu ni agi pour corriger la situation.

Le chef conservateur a défendu son geste en mêlée de presse, mercredi. « On a une crise d’unité maintenant, on a une crise de l’inflation maintenant, il y a des questions, des incertitudes sur la pandémie, a-t-il énuméré. On doit être prêt à gouverner. Ce n’était pas le cas avec Mme Batters et c’est pourquoi j’ai pris cette décision hier soir. »

Reste que la sortie de la sénatrice éclipse son message à moins d’une semaine de l’ouverture de la 44e législature. « Ce qui presse, c’est de retourner au Parlement pour poser des questions, a réagi le député québécois Pierre Paul-Hus. Le taux d’inflation est à 4,7 % aujourd’hui, on pense quoi de ça ? Ça, c’est important. »

« Ce n’est pas le temps de faire de la politique partisane, s’est exclamé le député Brad Vis, manifestement agacé par les questions des journalistes. Présentement, il faut soutenir la Colombie-Britannique et s’assurer que les gens sont en sécurité. »

Sa circonscription est aux prises avec des inondations sans précédent. Des municipalités ont été coupées du reste de la province en raison de glissements de terrain.

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L’erreur de Mme Batters a été d’étaler ses critiques sur la place publique au lieu de les partager en caucus, selon la députée ontarienne Michelle Ferreri. « Ce n’est pas la bonne façon de faire les choses », a-t-elle affirmé.

Dans sa déclaration, elle rappelle sans le nommer que le sénateur conservateur Michael MacDonald a même demandé la démission du chef il y a quelques semaines, sans pour autant être expulsé. « Pourquoi les deux poids, deux mesures ? », demande-t-elle.

Celui-ci avait envoyé une lettre en octobre aux députés et sénateurs du caucus conservateur pour critiquer l’approche progressiste d’Erin O’Toole durant la dernière campagne électorale. La lettre avait par la suite été coulée dans plusieurs médias.

La sénatrice Batters met le chef conservateur au défi. « Si M. O’Toole est certain que les membres de notre parti appuient la nouvelle direction qu’il prend, il ne devrait pas craindre de les affronter dans un vote de confiance hâtif, souligne-t-elle. Le fait qu’il se batte contre ça avec des menaces et de l’intimidation au caucus en dit long. »

Nommée au Sénat par l’ancien premier ministre Stephen Harper, Denise Batters avait appuyé Peter MacKay lors de la dernière course à la direction du Parti conservateur, en 2020. En coulisse, on raconte qu’elle n’est pas une membre populaire du caucus à cause de son agressivité partisane.

Sa pétition serait la première salve d’une campagne orchestrée visant à pousser le Erin O’Toole vers la sortie, selon ce qu’avait rapporté la veille le réseau anglophone Global News sur la foi de sources anonymes conservatrices.

La Presse n’a pas été en mesure de confirmer ces informations voulant qu’un supplice de la goutte attende le chef conservateur.