(Ottawa) Deux leaders conservateurs passent un mauvais quart d’heure. Sur la scène fédérale, une nouvelle fronde à l’interne se dessine contre Erin O’Toole, tandis que du côté de l’Alberta, une révolte s’organise contre Jason Kenney.

À Ottawa, l’attaque contre Erin O’Toole est venue de la frange plus à droite du Parti conservateur du Canada – plus précisément d’une sénatrice de la Saskatchewan, Denise Batters. Nommée à la Chambre haute par Stephen Harper, cette proche de l’ancien chef Andrew Scheer avait appuyé Peter MacKay lors de la dernière course à la direction du Parti conservateur, en 2020.

Elle a lancé sa salve dans une vidéo publiée sur Twitter, lundi midi, en invitant les membres de la formation à signer une pétition dont l’objectif est de réclamer une révision du leadership d’Erin O’Toole d’ici six mois, soit en juin 2022 au plus tard, au lieu d’attendre au prochain congrès de 2023, comme prévu. Et pour rallier les membres à sa cause, elle se livre à une charge frontale contre le capitaine du navire conservateur.

« Sous le leadership d’Erin O’Toole, le fossé au sein de notre parti s’agrandit », peste Mme Batters dans la vidéo d’environ deux minutes, en dénonçant un chef qui s’est présenté comme un « vrai bleu » pendant la course à la direction, mais qui a selon elle ensuite trahi les principes conservateurs en faisant une campagne « pratiquement indiscernable » de celle des libéraux de Justin Trudeau.

« À titre de chef, M. O’Toole a dilué, et même complètement renversé, nos politiques, sans l’avis du parti ou des membres du caucus. Au sujet de la taxe sur le carbone, des armes à feu, des libertés de conscience, il a fait volte-face pendant la même semaine, pendant la même journée, parfois même dans la même phrase », raille-t-elle aussi.

Selon ce qu’a rapporté le réseau anglophone Global News sur la foi de sources anonymes conservatrices, la sortie sénatoriale représenterait la première étape d’une campagne orchestrée visant à pousser le dirigeant vers la sortie. La Presse n’a pas été en mesure de confirmer ces informations voulant qu’un supplice de la goutte attende Erin O’Toole, dont le caucus se réunit mercredi pour sa séance hebdomadaire.

« Retirer sa pétition ou se retirer du caucus »

On imagine d’ores et déjà que les échanges derrière des portes closes pourraient être corsés.

Car la fronde de la sénatrice Batters a été descendue en flammes par d’autres députés conservateurs.

La députée de l’Alberta Michelle Rempel Garner a exprimé sa frustration sur les réseaux sociaux. Elle a prestement invité la sénatrice à retirer sa pétition en affirmant que la division qui s’installe dans les rangs conservateurs ne peut que faire sourire les libéraux de Justin Trudeau.

Je suis tellement frustrée en ce moment. Denise, les libéraux sont en train de sabler le champagne et ils trinquent à ta santé. J’espère que tu es heureuse. Je ne le suis pas.

Michelle Rempel Garner, députée de l’Alberta, sur Twitter

Le député Luc Berthold a lancé le même appel. « La sénatrice Batters, que je respecte beaucoup, devrait retirer sa pétition ou se retirer du caucus, si elle n’est pas prête à travailler en équipe contre notre seul adversaire : Justin Trudeau », a déclaré le Québécois sur son compte Twitter.

Le parti rabroue la sénatrice

En plus d’avoir été décriée par plusieurs élus, la démarche a été taxée d’irrecevable par l’état-major du parti.

« La question que vous proposez de poser lors d’un référendum n’est pas conforme à la Constitution du Parti conservateur du Canada. Votre pétition n’est pas recevable car elle ne respecte pas les articles 7, 10 et 12 de la Constitution », a écrit le président Robert Batherson dans une lettre adressée à Denise Batters.

La sénatrice est la deuxième personne à lancer une pétition visant à détrôner l’actuel dirigeant.

Au lendemain du scrutin du 20 septembre dernier, un membre de l’exécutif national, Bert Chen, en avait lancé une pour exiger un référendum sur le leadership du chef. Les autorités du parti avaient vite prévenu que la démarche était vouée à l’échec, ce qui s’est avéré.

Jason Kenney sur un siège éjectable ?

Pendant ce temps, en Alberta, une nouvelle tuile s’est abattue sur le premier ministre conservateur Jason Kenney, dont le leadership est contesté depuis des mois.

PHOTO JEFF MCINTOSH, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jason Kenney, premier ministre conservateur de l’Alberta

C’est que les associations de circonscription de la formation qu’il dirige, le Parti conservateur uni, ont atteint le seuil requis – 22 associations, soit plus du quart d’entre elles – pour déclencher une rencontre spéciale afin de mener une révision anticipée de son leadership.

Dans une lettre datée du 15 novembre relayée sur les réseaux sociaux par des médias anglophones, des représentants de diverses associations de circonscription ont informé le président de la formation, Ryan Becker, de leur intention d’organiser une réunion extraordinaire vendredi prochain.

« Nous nous attendons à ce que ce processus se déroule conformément aux dispositions [mentionnées dans la missive] », y lit-on.

Le premier ministre Jason Kenney a fait peu de cas de cette fronde.

En marge d’une conférence de presse à Edmonton où il annonçait une entente sur le financement des services de garde des enfants en compagnie de Justin Trudeau, il a soutenu que la Constitution de son parti prévoyait des clauses pour s’assurer que le chef du parti rende des comptes aux membres.