Plusieurs milliers de personnes se sont réunies ce dimanche après-midi à Montréal pour manifester pacifiquement contre le projet de loi sur la laïcité du gouvernement Legault.

La marche, organisée par le Collectif canadien anti-islamophobie, s'est déroulée sans heurt. L'ambiance y était même bon enfant, alors que de nombreux bambins avaient accompagné leurs parents, mais le ton était néanmoins ferme dans la dénonciation du projet de loi qui interdirait notamment le port de symboles religieux chez les enseignantes et enseignants de la province.

« Le Québec c'est pas la France, vive la différence ! Legault raciste ! Le Québec, c'est chez nous ! » a clamé à l'unisson la foule massée place Émilie-Gamelin avant de s'engager sur le boulevard René-Lévesque en direction de la Place du Canada.

Si des représentants des communautés juive et sikhe étaient visibles sur place, ce sont essentiellement une grande majorité d'hommes et de femmes de confession musulmane qui se sont mobilisés.

Survivant de l'attaque de la mosquée de Québec, dont il est resté lourdement handicapé, Aymen Derbali a dénoncé que le projet de loi 21 « vise principalement les femmes » qui portent le voile.

« On s'attendait à ce que le gouvernement prenne des mesures pour combattre l'islamophobie et la stigmatisation de la communauté musulmane après la tragédie de Québec, a dit M. Derbali. Hélas, ils veulent plutôt instaurer une loi qui opprime les femmes voilées et les empêche de travailler en raison de leurs convictions religieuses. »

« Les femmes ont la capacité de choisir ce qui est bon pour elles », a renchéri Youssef Fofana, du Conseil des imams du Québec.

S'exprimant au nom de la communauté sikhe, Taran Singh s'est pour sa part dit navré que « les enjeux sociaux [n'aient] pas évolué » au cours des 32 années qu'il a passées au Québec.

« J'ai grandi rue Saint-Denis, je suis un enfant de la loi 101 », a-t-il expliqué.

« J'ai vu le discours politique dégénérer, prendre une tendance vers le "nous contre eux". Le projet de loi 21 perpétue la division. »

Les jeunes Sikhs, a-t-il poursuivi, sont inspirés par le parcours de Harjit Sajjan qui, après une carrière comme policier puis comme membre des Forces armées canadiennes, est aujourd'hui ministre canadien de la Défense nationale.

Or, « ces jeunes ne pourront même pas être patrouilleurs dans les rues de Montréal », a fait remarquer M. Singh, une allusion au fait que les agents de la paix ne pourront eux non plus arborer de symboles religieux si la loi 21 est adoptée.

Dernier intervenant à prendre la parole avant la marche, le prédicateur Adil Charkaoui, figure médiatique qui a été associée à bon nombre de controverses au cours des dernières années, a livré un discours sobre, au cours duquel il a martelé que le projet de loi était la prolongation de la Charte des valeurs proposée en 2013 par le Parti québécois.

« À la poubelle ! », s'est-il exclamé, sous une salve d'applaudissements.

M. Charkaoui a souligné que « la majorité des Québécois n'est pas raciste », mais a dit s'inquiéter de la montée de l'extrême droite. « Des groupes sont en train d'agir en toute impunité, a-t-il dénoncé, mais aucune mesure n'est prise prise par ce gouvernement pour les empêcher de diffuser leur haine ».

À la fin de la marche, l'imam a affirmé que cette journée était « une première étape ». « Que vous portiez un turban, une kippa, un foulard, faites en sorte de rester unis contre la discrimination, a-t-il dit. Cette force ne va pas s'arrêter. Nous l'avons prouvé dans la rue, on va maintenant le prouver devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale. »

Les organisateurs ont estimé le nombre de personnes présentes à 30  000. Le Service de police de la Ville de Montréal n'a pas voulu valider ce chiffre ni formuler d'estimation. Le corps policier a toutefois confirmé que la manifestation de quelques heures s'était déroulée de manière pacifique.  

La foule s'est dispersée en silence après le regroupement final à la Place du Canada, rue Peel. Une centaine de personnes musulmanes ont conclu l'événement par une prière.