Le premier ministre Justin Trudeau risque de se retrouver avec plusieurs députés furieux sur les bras s'il ne chasse pas rapidement l'ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, du caucus de son parti.

Le fait que l'ancienne procureure générale ait enregistré une conversation téléphonique avec le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, à l'insu de ce dernier, semble être la goutte qui a fait déborder le vase - et délier les langues.

«Je pense personnellement que lorsque la plus haute avocate au pays et le plus haut fonctionnaire de l'État ont une discussion à propos d'un enjeu aussi important qu'il est totalement inapproprié d'enregistrer la conversation sans en aviser l'autre personne. Ce n'est pas une chose honorable à faire», a fait savoir le ministre des Transports, Marc Garneau, visiblement choqué.

Vendredi dernier, de nouveaux documents, dont un enregistrement de 17 minutes d'une conversation en lien avec l'affaire SNC-Lavalin remontant au 19 décembre 2018, ont été rendus publics par le comité permanent de la justice et des droits de la personne.

C'était jour de rentrée parlementaire aujourd'hui alors que les travaux de la Chambre des communes ont fait relâche la semaine dernière. La question était sur toutes les lèvres : est-ce que les membres du caucus libéral montreront la porte aux deux ministres démissionnaires ?

«Je pense que le temps est venu pour le caucus d'agir [...] Sa conversation était une mise en scène, elle a tenté de lui tendre un guet-apens, et il n'a pas mordu», a pesté le député Rob Oliphant en mêlée de presse.

«Selon moi, cela démontre que nous avons un problème ; je ne me sens plus en sécurité au caucus», a ajouté l'élu, selon qui il faut prendre une décision avant la rencontre hebdomadaire de mercredi prochain.

Sa collègue québécoise Alexandra Mendès a abondé dans le même sens. «Vous vous sentez trahi, littéralement, quand des membres de votre équipe se retournent contre vous», a-t-elle lâché, qualifiant l'enregistrement secret de «borderline illégal».

Le député Marc Miller, qui s'était jusqu'à présent montré fort prudent en commentant cette situation, a qualifié de «quelque peu répugnant» le fait qu'une collègue enregistre un autre collègue à son insu.

Il n'a pas voulu dire s'il sentait qu'il pouvait toujours faire confiance à Jody Wilson-Raybould, ni s'il souhaitait son exclusion du caucus, pas plus que la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor.  

«C'est une conversation que nous aurons, le caucus, cette semaine. [...] Je n'ai pas encore d'opinion sur la question. J'espère que nous pourrons avoir une conversation franche et ouverte pour discuter de la situation», a-t-elle expliqué.

Le député Wayne Easter, lui, a été sans équivoque: l'ancienne ministre de la Justice doit «assurément» être mise à la porte du caucus. «Elle ne devrait plus être là. Elle aurait dû partir il y a un bon moment», a-t-il lancé.

 En Chambre, celle dont certains réclament l'expulsion était toujours assise dans la première rangée, normalement réservée aux ministres, alors que les libéraux se faisaient bombarder de questions sur l'affaire SNC-Lavalin.

Les principales intéressées n'ont pas répondu aux courriels de La Presse, lundi.