Le président américain Donald Trump impose son ordre du jour au sommet du G7. Après avoir déclenché une rixe commerciale en frappant ses alliés de tarifs douaniers, la semaine dernière, il a semé la zizanie en suggérant, tout juste avant de s'envoler vers La Malbaie, de faire la paix avec la Russie et de réintégrer le pays de Vladimir Poutine.

Le locataire de la Maison-Blanche a proposé vendredi matin, sur la pelouse sud de la résidence présidentielle, de revenir à la formule G8 qui prévalait jusqu'à ce que Moscou soit éjectée du club en 2014 en raison l'annexion illégale de la Crimée. «La Russie devrait être à la rencontre, devrait en faire partie», a-t-il lancé alors qu'il s'apprêtait à monter à bord de son hélicoptère.

Ottawa a rapidement fermé la porte. «La position du Canada n'a pas changé», a tranché vendredi Cameron Ahmad, directeur adjoint des communications au bureau du premier ministre Justin Trudeau. Le gouvernement canadien avait appuyé, sous le précédent gouvernement de Stephen Harper, l'expulsion de la Russie.

En conférence de presse à La Malbaie, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a envoyé le même signal. Il n'y a «aucune raison», dans l'état actuel des choses, de redonner à la Russie une place à la table du club sélect des nations, a tranché la diplomate en chef du Canada, très critique du Kremlin.

L'idée de Donald Trump, en revanche, a plu au nouveau premier ministre de la République italienne, Giuseppe Conte. Très peu de temps après que les propos du dirigeant américain eurent été diffusés, il s'est tourné vers Twitter pour signifier qu'il était «d'accord», que la Russie devait revenir «dans l'intérêt de tous».

Querelle commerciale

Cette nouvelle sortie du président des États-Unis venait l'isoler encore davantage à la table du G7. Donald Trump, faut-il le rappeler, est en porte-à-faux avec ses partenaires en raison de son retrait de l'accord sur le nucléaire iranien et de sa décision de frapper le Canada et l'Union européenne (UE) de tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium.

Il avait d'ailleurs consacré au différend commercial une série de gazouillis incendiaires dans les heures précédant le coup d'envoi du sommet du G7. Jeudi soir, il s'en est pris directement à Justin Trudeau, lui reprochant de jouer à «l'indigné» en brandissant la relation canado-américaine en passant sous silence le système de gestion de l'offre, qui est selon lui injuste pour les États-Unis.

Le président en a remis à quelques heures à peine du début de l'événement, vendredi matin, écrivant sur Twitter que «le Canada charge aux États-Unis 270 pour cent de tarifs» sur les produits laitiers. Puis, il a élargi le débat aux pays du G7. «Hâte de corriger les traités commerciaux injustes avec les pays du G7. Si ça n'arrive pas, nous ne nous en porterons que mieux!», a-t-il gazouillé.

Il a aussi confirmé lui-même qu'il resterait moins longtemps que prévu dans Charlevoix. Il repartira samedi en matinée, avant la fin prévue des réunions des chefs d'États et de gouvernements réunis pour le G7, pour se rendre à Singapour afin de participer à un autre sommet - cette fois avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, prévu le 12 juin.

Le président Trump a provoqué l'ire de ses alliés du groupe des sept en imposant des taxes punitives sur l'acier et l'aluminium, geste considéré «illégal» au vu des règles en matière de commerce international. Signe de l'isolement américain, certains observateurs ont commencé à qualifier la rencontre de cette année de «G6+1».

À ce sujet, le président français, Emmanuel Macron, s'est montré cinglant. «Peut-être que ça est égal au président américain aujourd'hui d'être isolé, mais nous, ça nous est aussi égal d'être à six, si besoin était», a lancé le dirigeant en conférence de presse conjointe avec Justin Trudeau, jeudi, à Ottawa.

«La volonté de signer un texte à sept ne doit pas être plus forte que notre exigence sur le contenu de ce texte. Je crois qu'on ferait une erreur si on disait qu'on est prêt à renoncer à tout, à ne plus dire qu'on tient à l'accord de Paris, au climat, au commerce, pour avoir ce signataire», a-t-il argué.

Il est prévu que Donald Trump ait une rencontre bilatérale avec Justin Trudeau vendredi après-midi au manoir Richelieu. Le premier ministre canadien s'est auparavant entretenu avec son homologue britannique Theresa May, le premier ministre japonais Shinzo Abe, la chancelière allemande Angela Merkel, doyenne du G7, et le premier ministre italien Giuseppe Conte.

L'énigme Conte

Le petit nouveau du groupe des sept, le premier ministre italien Giuseppe Conte, s'est rapidement fait remarquer en se rangeant dans le camp de Donald Trump sur la question d'un retour de la Russie dans le club des puissances industrialisées.

Cette prise de position n'a cependant rien d'étonnant, a relevé en entrevue Alberto Ferrarese, journaliste pour l'agence de presse italienne Askanews. «La position du Mouvement 5 étoiles et de la Ligue du Nord est de rebâtir les ponts avec la Russie, alors ce n'est pas de la nouvelle pour la presse italienne. Mais qu'il le fasse de façon aussi ferme a surpris», a-t-il exposé.

Le premier ministre Conte a été désigné chef pour diriger un gouvernement de coalition entre le Mouvement 5 étoiles, antisystème et populiste, et la Ligue du Nord, un parti d'extrême droite.