L'Association des femmes en finance du Québec a remis le prix Alter Ego, un honneur décerné à un homme qui se distingue par son engagement à promouvoir la place des femmes dans ce secteur d'activité, à notre personnalité de la semaine, l'avocat influent Jean-François Gagnon.

Jean-François Gagnon pratiquait déjà le droit depuis plusieurs années quand son cabinet a fusionné avec un autre grand acteur du monde juridique à Québec pour former ce qui s'appelle aujourd'hui Langlois avocats.

Rapidement après cela, il était nommé associé directeur de la nouvelle entité. « Et c'est là, dit notre personnalité de la semaine, que j'ai demandé à l'équipe : "On fait quoi avec le bureau ?" »

« Mon idée, c'était de profiter du tournant pour le reconstruire sur une base de valeurs communes nouvelles. Compétence. Bienveillance. Intégrité. » - Jean-François Gagnon 

À partir de là, de cette réflexion, ont été instaurées, au sein du bureau, une série de pratiques, de politiques, visant notamment à permettre égalité et inclusion. Ces mesures ont porté leurs fruits et les résultats ont été reconnus par l'Association des femmes en finance du Québec, qui a remis ce printemps à Me Gagnon le prix Alter Ego, honneur décerné à un homme qui se distingue par son engagement à promouvoir la place des femmes en finance.

« On a surtout mis en place une culture interne de bienveillance », explique l'associé directeur, qui a aussi été nommé l'an dernier parmi les avocats les plus influents du pays, par la revue Canadian Lawyer « Une culture égalitaire permettant à chacun de se réaliser et d'être reconnu, la clé du succès. »

Pour ce faire, le bureau s'est, par exemple, mis à fonctionner avec des liens de communication non pas juste horizontaux, entre collègues, mais aussi verticaux, à travers les degrés hiérarchiques. « Tout le monde peut se parler », explique MGagnon. Les rapports égalitaires font partie intégrante de cette culture. « Faire attention à l'autre. »

L'avocat affirme que c'est ainsi que les femmes ont ensuite pu prendre leur place. « Aider l'autre à se réaliser » est un concept qui s'applique à tous.

Concrètement, cela donne des mesures comme « parents pressés », un service de livraison de repas au bureau, qui permet aux parents de réduire les étapes entre l'étude et la maison. Ou encore des politiques d'accompagnement pour les congés de maternité et de paternité. « C'est le minimum. » Pour faciliter le départ en congé. Et le retour au bureau.

Généralement, dans les bureaux d'avocats, les performances des membres sont mesurées en chiffres, soit avec les montants de leur facturation. Chez Langlois avocats, « on est évalué en apports ».

En outre, « pour la gouvernance, on est paritaires. Ça n'a pas été un effort », affirme MGagnon, selon qui un bureau d'avocats doit ressembler à la société. Et à quoi bon embaucher des femmes, demande le gestionnaire, si elles partent ensuite parce que la culture d'entreprise ne leur permet pas de se réaliser ?

Originaire de Cap-à-l'Aigle, village suspendu au-dessus du Saint-Laurent, aujourd'hui fusionné à La Malbaie, dans Charlevoix, Jean-François Gagnon a grandi dans une famille qui était bien loin du droit. Son père était capitaine de bateaux. Sa mère, enseignante. « C'était la campagne absolue, mais il était clair qu'il fallait étudier », raconte celui qui a encore une maison là-bas et y retourne tous les week-ends.

C'est ainsi que le jeune homme est parti étudier au cégep à Cap-Rouge, puis obtenir un premier diplôme en littérature française à l'Université Laval, avant d'entreprendre des études de droit à la même université.

Qu'est-ce qui a forgé la personnalité du chef d'entreprise ? Sa volonté de créer un univers différent, où « la performance n'est pas une finalité, mais un outil », où on multiplie les stratégies de mobilisation interne pour les 175 membres de l'équipe afin que « tout le monde ait le sentiment qu'il ou elle peut influencer le bureau » ?

Une multiplicité de facteurs, dit-il. Peut-être que tout est parti de Charlevoix, où son père, atteint de sclérose en plaques, est devenu épileptique, assez jeune, donc incapable de travailler avant même d'avoir atteint la trentaine, alors que la famille déjà nombreuse accueillait en plus un oncle. Dans cet univers, personne ne manquait de rien, précise Me Gagnon, même si les circonstances n'étaient pas faciles. Mme Gagnon, la maman, trouvait même du temps pour aider les autres. « C'est très certainement formateur », dit-il. « La bienveillance, c'est ça. »

C'est le jeune ayant grandi dans cet univers qui a ensuite été bouleversé par le sort des enfants en Haïti, raconté par une amie travaillant alors pour Oxfam, et qui a décidé, avec sa femme, d'en adopter deux. Le tout avant d'avoir deux autres enfants biologiques très rapidement. Aujourd'hui, les quatre enfants sont âgés de 23 à 27 ans ! Les élever fut une joie. « J'adorais ça, c'était le fun. Le grand amour de ma vie, c'est cette famille. » Encore une autre expérience qui a façonné l'homme. « Toute forme de discrimination vient me chercher », dit-il.

Au travail, ça fait un patron qui pense qu'aucun avocat n'est supérieur à la personne qui travaille à la photocopie. « Le fondement de ma vision, de ma gouvernance, c'est ça. »